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    Littérature

     

     

     

    Les Parapluies Pierre-Auguste Renoir (1883)

    (Londres, National Gallery)

     

    « Rien n’est difficile comme ces petites œuvres léchées, encore faut-il que le coup de langue n’y paraisse pas ».

    Colette

     

     

    Ecoutons marcher sur le cœur qui s’ennuie…

     

    Ecoutons marcher sur le cœur qui s’ennuie les petits pieds froids de la pluie, puisque la pluie est de saison. Ecoutons, sur le rebord du toit, ce jeu léger des ongles impatients qui pianotent avec monotonie. Ce ne sont pas les gens qui s’ennuient, c’est la pluie. […]

    Ecoutons pleuvoir. Et la pluie c’est aussi l’éclosion des parapluies et leur effort aussi vain qu’émouvant de vouloir soulever les gens au-dessus d’eux-mêmes, légèrement. Et c’est surtout, mais rares sont ceux qui l’apprécient, le souvenir de ce rêve qu’ont fait les cœurs épris, d’être un jour, tels Mars et Vénus par Vulcain surpris, captés par ce réseau murmurant et qui plie, et d’être prisonniers à jamais de la pluie.

    Car si d’aucuns ont souhaité les heures claires, on ne sait quel rayonnement, quelle fanfare, quel plein four et tout le tremblement solaire, et tous les pavés de l’azur sur leur amour, les plus sages appellent la pluie, la douce pluie persistante et mineure. Ils appellent son chuchotement pour combler les terribles minutes de silence, quand chacun se demande tout à coup à quoi pense l’autre, dans quel pays se perd son désir inconnu, quel songe le séduit, le détourne, l’entraîne, et s’il reviendra tout à fait le même et s’il aura la même voix, le même sourire, la même chaleur, les mêmes yeux. Au moins on n’est jamais tout à fait seul quand il pleut.

    Germaine BEAUMONT

    Extrait de : Si je devais

     

    Je préfère le soleil et son éclat, sa fanfare, le plein four et tout le tremblement solaire et tous les pavés de l’azur…

    Cependant la normande qu’est Germaine Beaumont a bien le droit de préférer la pluie qui chante sur les toits dit-elle, mais qui mouille aussi.

    Liviaaugustae


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    Le goût des mots

     

     

    Franchouillard…

     

     

    Autrefois, on disait : « français moyen ». A présent, on dit franchouillard. Dans « français moyen », il n’y avait qu’un peu de moquerie. Un peu de tendresse aussi car on aimait bien les français, fussent-ils moyens, voire au-dessous de la moyenne. L’expression en outre, laissait entendre qu’il existait des français supérieurs. Franchouillard est carrément haineux et insultant. Seuls des français pouvaient l’inventer pour désigner leurs frères.

    Le franchouillard a les mêmes défauts que le français moyen. D’ailleurs il ressemble comme deux gouttes d’eau au français moyen de 1910, lequel, soit dit en passant, gagna la guerre de 14 au prix de quinze cent mille morts. Les poilus étaient Franchouillard jusqu’à se faire tuer. Comment les Boches les appelaient-ils alors ? Franchouillard, prononcé à l’allemande : vandgeouillarte les aurait fort égayés.

    Les mots, particulièrement les néologismes, ne sont jamais innocents. « Franchouillard » a une double mission, l’une de souligner la vulgarité d’une certaine droite plus ou moins traditionnelle et populaire ; l’autre de jeter le discrédit sur l’idée de Patrie, incompatible avec le mondialisme, l’européanisme maëstrichien vers quoi on s’efforce de nous acheminer. Il y a une foule d’anglouillards depuis Mme Thatcher, et une foule d’américanouillards depuis Me Reagan, mais nul chez nous ne s’est avisé de les baptiser ainsi. Nous en serions passablement scandalisés.

    Jean Dutour : A la Recherche du Français Perdu.

     

    Ce livre a été écrit en 1999, année à laquelle on méditait de nous délester de notre identité, c’est fait aujourd’hui, et on nous traite de « Franchouillard » tout les jours que Dieu fait, simplement parce que nous voulons sauvegarder, ces mots si beaux, tels que : Patrie, Civilisation, Nation, Patrimoine, Honneur ! Et pourquoi ?

    Pour ménager les envahisseurs, ils sont nous dit-on « une chance pour la France » ! Résultat, le français perdu !

    Liviaaugustae


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    littérature

     

     

    L’image ci-dessus, n’est pas la Bastide Neuve de Pagnol, mais juste un mas en Provence.

     

     

    La Bastide Neuve…

     

    Alors commencèrent les plus beaux jours de ma vie. La maison s’appelait La Baside Neuve, mais elle était neuve depuis bien longtemps. C’était une ancienne ferme en ruines, restaurée trente ans plus tôt par un monsieur de la ville, qui vendait des toiles de tentes, des serpillères et des balais. Mon père et mon oncle lui payait un loyer de 80 francs par an (c’est-à-dire quatre louis d’or) […]

    Mais la maison avait l’air d’une villa – il y avait « l’eau à la pile » : c’est-à-dire que l’audacieux marchand de balais avait fait construire une grande citerne, accolée au dos du bâtiment, aussi large et presque aussi haute que lui : il suffisait d’ouvrir un robinet de cuivre placé au-dessus de l’évier, pour voir couler une eau limpide et fraîche. […]

    Devant le jardin, des champs de blé ou de seigle assez pauvrement cultivés, et bordés d’oliviers millénaires.

    Derrière la maison, les pinèdes formaient des îlots sombres dans l’immense garrigue qui s’étendait, par monts, par vaux et par plateaux, jusqu’à la chaîne de Sainte-Victoire. La Bastide Neuve était la dernière bâtisse, au seuil de désert, et l’on pouvait marcher pendant 30 kilomètres sans rencontrer que les ruines de trois ou quatre fermes du Moyen Âge, et quelques bergeries abandonnées. […]

    Il était défendu de sortir du jardin, mais on ne nous surveillait pas. Ma mère croyait que la clôture était infranchissable […]

    C’est ainsi que livrés le plus souvent à nous-mêmes, il nous arrivait de monter jusqu’aux premières pinèdes. Mais ces explorations, le couteau à la main, et l’oreille aux aguets, se terminaient souvent par une fuite éperdue vers la maison, à cause de la rencontre inopinée d’un serpent boa, d’un lion, ou d’un ours des cavernes. […]

    Marcel Pagnol : La Gloire de mon père

     

    Je relis avec délectation « La Gloire de mon Père ».

    Une gloire magique ! Marcel Pagnol, nous fait participer à ses souvenirs d’enfance, dans les garrigues de Provence, parfumées, pleines de bleue… C’est un pur délice, je vous en offre une pincée…

    Liviaaugustae


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    Jours gris…

     

    […] J’appartiens à un pays que j’ai quitté. Tu ne peux empêcher qu’à cette heure s’y épanouisse au soleil toute une chevelure embaumée de forêt. Rien ne peut empêcher qu’à cette heure l’herbe profonde y noie le pied des arbres, d’un vert délicieux et apaisant dont mon âme à soif… Viens, toi qui l’ignore, viens que je te dise tout bas : le parfum des bois de mon pays égal la fraise et la rose ! Tu jurerais quand les taillis de ronces y sont en fleurs, qu’un fruit mûrit on ne sait où, là-bas, ici, tout près, un fruit insaisissable qu’on aspire en ouvrant les narines. Tu jurerais, quand l’automne pénètre et meurtri les feuillages tombés, qu’une pomme trop mûre vient de choir, et tu la cherche et tu la flaire, ici, là-bas, tout près…

    Et si tu passais en juin, entre les prairies fauchées, à l’heure où la lune ruisselle sur les meules rondes qui sont les dunes de mon pays, tu sentirais, à leur parfum, s’ouvrir ton cœur. Tu fermerais les yeux, avec cette fierté grave dont tu voiles ta volupté, et tu laisserais tomber ta tête, avec un muet soupire…

    Et si tu arrivais, un jour d’été, dans mon pays, au fond d’un jardin que je connais, un jardin noir de verdure et sans fleurs, si tu regardais bleuir, au lointain, une montagne ronde où les cailloux, les papillons et les chardons se teignent du même azur mauve et poussiéreux, tu m’oublierais, et tu t’assoirais là, pour n’en plus bouger jusqu’au terme de ta vie.

     

     

    Littérature

     

     

    Un gracieux spectre de brume…

    (image wikipédia

     

    Il y a encore, dans mon pays, une vallée étroite comme un berceau où, le soir, s’étire et flotte un fil de brouillard, un brouillard ténu, blanc, vivant, un gracieux spectre de brume couché sur l’herbe humide… Animé d’un lent mouvement d’onde, il se fond en lui-même et se fait tour à tour nuage, femme endormie, serpent langoureux, cheval à cou de chimère… Si tu reste trop tard penché vers lui sur l’étroite vallée, à boire l’air glacé qui porte ce brouillard vivant comme une âme, un frisson te saisira, et toute la nuit tes songes seront fous…

    Colette

    Extrait de : Les vrilles de la vigne

     

    Colette nous invite dans son pays, en été, parfum de bois et de fraise mêlés, et par-dessus, parfum enivrant de rose et de pomme mûre.

    Pour que le gris de notre ciel soit un peu moins gris…

    Liviaaugustae

     


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    Littérature

     

     

    Ross Castle, l’un des nombreux châteaux forts du XIVe ou du XVe siècle, dont les ruines contribuent au pittoresque des abords des lacs. 

     

    Killarney et ses lacs…

     

    Killarney est célèbre par son lac, ou mieux pour ses lacs, car il y en a trois : le Lower Lake, qui est le plus considérable, et qu’un mince détroit sépare du second, le Muckross Lake. Un long chenal conduit de ce dernier au lac supérieur, le Upper Lake, semé d’îles. La vaste étendue de ces belles eaux, la variété des sites qui les environnent, les légendes qui l’enveloppent comme d’une vapeur romantique les rochers, les cascades et les bruyères, autant de cataractes qui font de la promenade à Killarney un des attraits du voyage en Irlande, attrait maintes fois tourné en déceptions. Car le ciel capricieux de cet entonnoir de montagnes se brouille durant des semaines, et c’est alors, sur la nappe du lac, toute brune, la pesée lourde des nuages qui s’effilochent aux pointes des arbres. C’est des sautes de vents qui frangent d’écume les vagues noirâtres. C’est la pluie encore, fine et continue, qui donne à ce lac, moucheté d’innombrables gouttelettes, l’aspect fantastique d’un parquet mouvant de point de Hongrie. Et c’est surtout la perspective cruelle du journal de seize pages désespérément feuilleté dans la salle commune d’un hôtel, traversée par des tribus d’anglais et d’anglaises d’une dignité impeccable. Toutes tortures qui parfois, et ce fut mon cas, ne durent qu’une journée. Leur souvenir rend plus aimable encore le vagabondage, à force de rames, sous le ciel nettoyé de son brouillard, et sur l’eau, rendue à sa franche couleur naturelle d’un noir frais et souple qui se transforme en bleu vaporisé vers l’horizon.

    La barque glisse donc sur une des baies du Lower Lake. L’abondance des îlots est une des originalités de ce lac. Beaucoup sont des rochers sur lesquelles une touffe de bruyères allume un incendie rose. D’autres comme Innisfallen, sont des oasis immobiles d’une verdure presque surnaturelle, tant elle est opulente, […]

    Elle est d’une impression étrange en effet, au soir tombant, cette Innisfallen plantée de frênes aux feuilles tremblantes et de houx aux feuilles lustrées. Sur l’herbe épaisse qui grandit parmi les pierres, ruines d’un cloître, l’imagination évoque le tournoiement des pâles fées au clair de lune, et dans les clochettes tachetées de rouges digitales s’abrite sans doute un peuple de farfadets nocturnes qui dorment le jour, tandis que les brebis broutent cette herbe, et que les visiteurs troublent du bruit de leurs pas le silence enchanté de l’île.

    Le cap étroit qui la termine résonne à peine du clapotis des houles menues. Un if, battu des vents, a grandi  sur cette pointe, et la ligne des montagnes qui entourent le lac se teinte en violet dans la clarté adoucie qui agrandit encore l’ombre des grands arbres.

    Paul Bourget (1910)


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