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    Chinoiseries...

    Geisha jouant du shamisen ukiyo-e de 1800.

    (Image wikipédia)

     

    Chinoiserie…

    Ce n’est pas vous, non madame, que j’aime,

    Ni vous non plus Juliette, ni vous,

    Ophélia, ni Béatrix, ni même

    Laure  la blonde, avec ses grands yeux doux.

     

    Celle que j’aime, à présent, est en Chine ;

    Elle demeure avec ses vieux parents,

    Dans une tour de porcelaine fine,

    Au fleuve jaune, où sont les cormorans.

     

    Elle a des yeux retroussés vers les tempes,

    Un pied petit à tenir dans une main,

    Le teint plus clair que le cuivre des lampes,

    Les ongles longs et rougis de carmin.

     

    Par son treillis elle passe sa tête

    Que l’hirondelle, en volant vient toucher,

    Et chaque soir, aussi bien qu’un poète,

    Chante le saule et la fleur du pêcher.

    Théophile Gauthier.


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    Une mère implacable...

    Latone et ses enfants, Diane et Apollon,

    par les frères Marsy, (1668-1670) Parc de Versailles.

     

    Le parterre de Latone.

    […] Au bas de ce degré Latone et ses jumeaux

    De gens durs et grossiers font de vils animaux,

    Les changent avec l’eau que sur eux ils répandent.

    Déjà les doigts de l’un en nageoires s’étendent ;

    L’autre en le regardant est métamorphosé :

    De l’insecte et de l’homme un autre est composé :

    Son épouse le plaint d’une voix de grenouille ;

    Le corps est femme encor. Tel lui-même se mouille,

    Se lave, et plus il croit effacer tous ses traits,

    Plus l’onde contribue à les rendre parfaits.

    La scène est un bassin d’une vaste étendue.

    Sur les bords cette engeance insecte devenue

    Tâche de lancer l’eau contre les déités.

    A l’entour de ce lieu, pour comble de beautés,

    Une troupe immobile et sans pieds se repose,

    Nymphes, Héros, et Dieux de la métamorphose,

    Termes, de qui le sort semblerait ennuyeux

    S’ils n’étaient enchantés par l’aspect de ces lieux.

    Deux parterres ensuite entretiennent la vue.

    Tous deux ont leurs fleurons d’herbe tendre et menue ;

    Tous deux ont un bassin qui lance ses trésors,

    Dans le centre en aigrette, en arcs le long des bords.

    L’onde sort du gosier de différents reptiles.

    Là sifflent les lézards, germains des crocodiles ;

    Et là mainte tortue apportant sa maison

    Allonge en vain le cou pour sortir de prison.

    Enfin par une allée aussi large que belle

    On descend vers deux mers d’une forme nouvelle.

    L’une est un rond à pans, l’autre est un long canal.

    Miroirs où l’on a point épargné le crystal. […]

    Jean de La Fontaine

    Extrait de : « Les Amours de Psyché et Cupidon ».

     

     

     

     

    Une mère implacable...

    Les paysans lyciens au moment de leur métamorphose en grenouille.

    Ils ornent l’étage inférieur du buffet d’eau conçu par Hardouin-Mansart en 1687.

     

     Ovide avait déjà raconté la redoutable puissance de Latone, mère de deux jumeaux, dans « Les Métamorphoses ».

    […] Ces hommes, pourtant, s’entêtent à opposer à ses prières un refus ; ils y joignent des menaces, si elle ne consent à s’éloigner, et, par surcroît, des injures. Ils ne s’en contentent pas ; eux-mêmes, des pieds, des mains, troublèrent l’eau de l’étang, du fond duquel, en le piétinant méchamment, ils firent çà et là monter à la surface la vase molle. La colère l’emporta sur la soif. Aussi la fille de Coeus renonce à supplier des êtres indignes de l’entendre ; elle ne supporte pas de tenir plus longtemps un langage au-dessous d’une déesse ; et, levant ses mains tournées vers les astres : « A jamais, dit-elle, puissiez-vous vivre dans votre étang ! » Le souhait de la déesse s’accomplit.

    Leur plaisir est de vivre sous l’eau, tantôt de plonger leur corps entier dans les profondeurs du marais, tantôt de sortir la tête hors de l’eau, tantôt de nager à sa surface, souvent de venir se poser sur la rive, souvent de sauter de nouveaux dans les ondes froides de l’étang. Mais aujourd’hui encor leur langue sans retenue se dépense en disputes, et, sans vergogne, bien que plongés dans l’eau, dans l’eau même ils s’essayent à l’insulte. Leur voix aussi est maintenant rauque, et leur cou qui se gonfle d’air, enfle ; leurs injures mêmes élargissent leur grande bouche béante. Leur dos touche leur tête, et leur cou semble avoir été coupé ; leur échine verdit, leur ventre, la partie la plus considérable de leur corps, blanchit. Et, dans les gouffres fangeux, ils sautent maintenant, bêtes nouvelles : se sont les grenouilles. […]

     

    Il ne faut pas user la patience des dieux… cela est toujours dangereux !

    Liviaaugustae

     


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    La chanson d'Ulysse...

    Circé tendant la coupe à Odysseus

    John William Waterhouse

    (Oldham Art Gallery)

     

     

    La chanson d'Ulysse...

    Pénélope par Domenico Beccafumi

     (vers 1514)

     

     

    La chanson d’Ulysse

     

    Circé, toute ma chair ! Pénélope, ô mon âme !

    L’amour brûlant et l’amour doux,

    L’eau qui me rafraîchit et le feu qui m’enflamme :

    Les deux moitiés de moi, c’est vous !

     

    Pénélope et Circé, ma force et ma faiblesse,

    Vous êtes mes deux volontés

    Et votre double amour qui caresse et qui blesse,

    Brise mon cœur où vous luttez !

     

    Ma Pénélope et ma Circé, mes deux aimées,

    Vous êtes tout ce qui m’est cher,

    Et je vous sens courir, ainsi que deux armées,

    A travers mon âme et ma chair !

    Edmond Haraucourt (1857-1942)


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    Le grand coucher de Phoebus...

    Coucher de soleil…

     

    NUIT TROPICALE…

    L’ombre arrive doucement, du fond de l’horizon,

    Dans une orgie de lumière d’or et de sang,

    Instants suspendus, tout au bord de la nuit…

    Une nuit  bleue,

    Baignée de lune, et toute piquée d’étoiles.

    Nuit  mystère,

    Emplie de longs murmures,

    Glissant sur l’alizé.

    Les fleurs, têtes penchées

    Goûtent la nuit à toutes petites gorgées.

    Et la mer, avec de grands soupirs,

    Sur le sable encore chaud, expire,

    En vaguelettes ourlées d’écume blanche.

    Liviaaugustae


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    La plus délicate des roses...

    konstantin Razumov ;

     

    La Rose-Thé…

     

    La plus délicate des roses,

    Est, à coup sûr, la rose-thé.

    Son bouton aux feuilles mi-closes

    De carmin à peine teinté.

     

    On dirait une rose blanche

    Qu’aurait fait rougir de pudeur,

    En la lutinant sur la branche,

    Un papillon trop plein d’ardeur.

     

    Son tissu rose et diaphane

    De la chair a le velouté ;

    Auprès, tout incarnat se fane

    Ou prend de la vulgarité.

     

    Comme un teint aristocratique

    Noircit les fronts bruns de soleil,

    De ses sœurs elle rend rustique

    Le coloris chaud et vermeil.

     

    Mais, si votre main qui s’en joue,

    A quelque bal, pour son parfum,

    La rapproche de votre joue,

    Son frais éclat devient commun.

     

    Il n’est pas de rose assez tendre

    Sur la palette du printemps,

    Madame, pour oser prétendre

    Lutter contre vos dix-sept ans.

     

    La peau vaut mieux que le pétale,

    Et le sang pur d’un noble cœur

    Qui sur la jeunesse s’étale,

    De tous les roses est vainqueur !

    Théophile Gauthier


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