• Totor et Fernande...

     

     

     

     

     

    Billet

    Sous-bois : Puy de Dôme.

     (Image Wikipédia)

     

     

    DE TOUTES LES OPERATIONS…

     

    De toutes les opérations économiques, la plus difficile en France est le reboisement, car ce n’est point avec un œil de poète que le français moyen regarde les arbres, mais avec un œil d’ébéniste.

    Qu’ils soient sur pied, il en ignore le nom et les essences, mais sa science s’éveille quand ils sont transformés en fauteuils.

    Le chêne pour lui, c’est un buffet avec douze chaises payables à crédit ; le hêtre habite la cuisine, et l’orme luit dans le boudoir surbaissé des femmes élégantes qui s’ennuient.

    L’appel désolé de Ronsard n’a jamais arrêté le bras d’aucun bûcheron quand l’arbre abattu peut, libéré de son feuillage, entrer dans la vie des salons et de l’esprit sous la forme d’une console ou d’un guéridon. Bonheur-du-jour nés de l’infortune des forêts, c’est vous  qui plaisez, et non la branche que le vent émeut et dans les veines de laquelle le passage de la sève est harmonieux comme un chant. Arbres, on ne vous veut point droits et libres, mais diminués à notre mesure, asservis à notre pauvre usage, humilié par nos secrets. Quelles lettres d’amour compensent jamais, pour le secrétaire, les aériennes confidences des oiseaux qui bâtissent leurs nids  au printemps ?

    Minérale, brillante, logique, la littérature elle-même tient Rousseau pour fou, qui pleurait sur les pervenches et reliait la nature à ses sensuelles obsessions. Alors que la littérature anglaise essentiellement végétale, exhalant l’odeur des bourgeons, de l’herbe qui pousse, et gorgée d’une eau contenue par des racines vives, lance Ariel et Puck comme des oiseaux, nous refermons nos fenêtres pour que le bruit de l’air dans les ramures ne couvre pas le bruit de nos conversations.

    A Chaucer, à Spencer, Shakespeare, nous opposons les prairies en haute laine d’Honoré d’Urfé et ses bocages tissés à Beauvais. Les arbres de Florian n’existent que pour protéger contre l’orage le chapeau  de roses des bergères, ou pour que les bergers y viennent, dans une ombre propice à leur teint, mourir modérément d’amour.

    La nature pour nous est toujours un souci. Il faut qu’elle meuble ou qu’elle se justifie, quelle réponde à Vigny ou s’occupe d’Olympio. A défaut d’une dryade, chaque arbre nous doit un lit de milieu.

    Il n’est de forêt sacrée que celle dont le peuple des dimanches peut mutiler les écorces pour proclamer que Fernande appartient définitivement à Totor. Nous n’avons que faire d’Arden et de Brocéliande. Le bois de Boulogne nous suffit.

    Germaine BEAUMONT

    Extrait de : Si je devais…

     

     

    Heureusement, aujourd’hui, nous nous occupons, « peut-être un tard », des arbres, nous les protégeons, nous les aimons, les admirons, et Totor, n’a plus le doit de faire des graffitis sur nos arbres, et tant pis pour Fernande !

    Car nous avons tellement sucé la sève de tout l’Univers, celle des animaux à quatre pattes, les gros et les petits, celle des insectes, ceux qui volent et ceux qui rampent, que nous voilà obligés de protéger, de chouchouter, tous ce que nous avons petit à petit, pour notre confort et nos aises, détruit en partie.

    Mais ce qui est inquiétant, c’est qu’aujourd’hui on s’en prend aux animaux à deux pattes. Allons-nous, parce que c’est  la mode, les rayer eux-aussi de la planète ?

    La guerre sévit sur tout les continents, des fous déclarent qu’ils ont le droit, de tuer, au nom d’un dieu vengeur !

    Des hommes veulent épouser des hommes ? Des femmes veulent épouser des femmes ? Quid de l’espèce ?

    Liviaaugustae


  • Commentaires

    1
    Lundi 27 Mai 2013 à 15:01

    Voir la Nature sous l'angle de la seule utilité est suicidaire. Quand cela sera-t-il compris ? Quant à la perte des repères, je suis inquiet aussi.

    Amitiés

    Alain

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    2
    Liviaaugustae Profil de Liviaaugustae
    Lundi 27 Mai 2013 à 15:41

    Réponse à Alain

    En effet, la perte des repaires, mais aussi celle des valeurs morales, sont très inquiétantes! Il faut donc se battre, pour les sauvegarder et les transmettre à nos enfants et petits enfants;

    Amitiés

    Chantal

    3
    nettoue
    Lundi 27 Mai 2013 à 16:35

    Bonjour Livia

    Tard sans doute, mais la nature se renouvelle, elle nous pardonnera si nous le méritons ?

    Un bel article comme j'aime

    Bisous

    4
    Liviaaugustae Profil de Liviaaugustae
    Lundi 27 Mai 2013 à 19:06

    Réponse à Nettoue

    Merci Nettoue,

    C'est bel article, cet auteur me plait beaucoup et j'ai déjà mis pas mal de choses tirés de ce livre qui est un magnifique hymne à la langue française!

    Bisous

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