• Poème

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    220px-Germaine Beaumont 1930 Germaine Beaumont en 1930.

     

    SI JE DEVAIS…

     

     

    Si je devais partir, ne me cherchez pas

    Dans le souvenir de ce que j’ai fait ou dit.

    Ne me cherchez pas dans le temple interdit

    Des pensées qui ne se livrèrent pas.

    Ne me cherchez pas dans l’étroite mesure

    Que limite l’anneau quotidien des jours.

    Ne me cherchez pas dans l’aventure

    Inscrite entre les jamais et les toujours.

    Ne me cherchez pas dans le témoignage

    Incertain de ceux qui m’ont connue.

    Ne me cherchez pas dans les voyages

    Que fait l’esprit sans cesse, hors des chemins battus.

     

    Ne me cherchez pas dans les lignes de l’écriture

    Et ne me cherchez pas dans la forme et dans les signes

    Ni dans les hiéroglyphes de l’écriture,

    Nis dans le labyrinthe des lignes de la main,

    Nis dans celui des pas tracés sur les chemins

    Où l’empreinte parfois s’enfonce, et dure

    En dépit de la pluie, des saisons et du vent.

    Ne me cherchez pas lisant, rêvant

    Telle que m’ont fixée d’inexactes images.

    Ne me cherchez pas d’après les gages

    Que peut laisser de soi un être qui s’en va.

    Ne me cherchez pas, même en pleurant

    A la place que j’occupai dans le silence.

     

    Ne me cherchez pas dans mon absence

    Comme on cherche quelqu’un dans une maison vide.

    Ne me cherchez pas dans les pages du livre

    Que j’ai plus aimé et le plus souvent lu.

    Ne me cherchez pas là où je m’étais plu

    Selon le miroir déformant des apparences.

    Ne me cherchez pas dans ma souffrance,

    Je l’ai laissé au sol comme un manteau tombé ;

    Ni dans ma joie, ni même dans l’espérance

    Qui marchait à mon ombre et dormait à mes pieds.

     

    Ne me cherchez pas dans l’aire immense

    Où mes regards humains auraient pu se poser.

    Ne me cherchez pas près de l’eau qui sommeille

    Et ne me cherchez pas sous l’arbre que j’aimai.

    Ne me cherchez pas dans le chant des abeilles

    Ni dans l’hiver qui meurt, ni dans l’été qui naît.

    Ne me cherchez pas près de ces roses,

    Bien que j’aie plus que tout chéri les fleurs,

    Ni dans ce vert jardin où le passé repose

    Insensible au présent.

    Non plus qu’ailleurs sur la plage

    Où le vent fronce les sables,

    Où la sirène jongle avec les coquillages,

    Où les tritons joueurs soufflent dans les roseaux.

    Les ressacs détachaient du sable cette barque

    Et son lent mouvement m’était comme un berceau.

    Je vous aimai, statice au mauve mortuaire…

    Cependant, ne me cherchez pas dans l’estuaire.

     

    Si je devais partir, ô ne me cherchez pas

    Là où quittant ces lieux je ne puis être.

    Ne me cherchez pas près de fenêtres,

    Comme quand j’attendais quelqu’un qui ne vint pas.

    Et ne me cherchez pas près de la lampe douce,

    J’ai si longtemps tourné en rond dans sa clarté ;

    Et ne me cherchez pas auprès de la beauté

    Endormie dans la paix du feuillage et des mousses…

    S’il se peut que l’on dure à l’instant où l’on meurt,

    Et que l’on survive en son propre trépas,

    S’il se peut qu’après moi quelque chose demeure,

    Vous ne le trouverez qu’en ne le cherchant pas.

    Germaine BEAUMONT

     

    Extrait de : si je devais…

     

     

    Germaine Beaumont, de son vrai nom Germaine Battendier, est une journaliste et une romancière française, née à Petite-Couronne  (Seine-Maritime) le 31 octobre 1890, et décédée à Montfort-Lamaury  Yvelines le 21 mars 1983, et repose au cimetière de Montfort-Lamaury.

    Elle fut une grande amie de Colette.

    « C’est une féministe « individuelle », elle fut pourtant mariée deux fois, et divorcée deux fois, et eut une liaison…
    Mais c’est finalement à la littérature que Germaine Beaumont consacre sa vie, sans mari, sans enfant. Aussi faut-il la croire quand elle affirme : « Partout où il y a de quoi écrire avec un peu de silence autour, j’entre dans un paradis dont les portes se referment aussitôt sur moi.

     Et je m’accommode aussi bien de ses serpents que de ses pommes. »

    Texte  Wikipédia

     

     

     

     

     

     

     

     

     



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