•  

     

     

     

     

    Le Christ chez Marthe et Marie

     

    Peinture sur bois de Léonhard Scherhauff Von Brixen

     

     

     

    Jésus est assis à table, enseignant, tandis que Marie, sœur de Lazare et de Marthe, est assise à ses pieds et l'écoute de toute son âme. Couvert d'une nappe blanche qui tombe jusqu'au sol, entouré par des banquettes en bois, la grande table ronde occupe t presque tout l'espace. Des assiettes en métal, des couteaux, des gobelets et un pichet sont disséminés sur la table. Aucun autre élément de décor. Marthe, à gauche, portant un tablier sur sa robe, apporte un grand plat.

     

    La scène est relaté par saint Luc. Jésus est entré chez Marthe, il parle à Marie tandis que la maîtresse de maison s'affaire et l'interpelle : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m'ait laissé faire seule le service ? Dis lui donc de m'aider » Jésus lui répond la phrase célèbre : « Tu t'inquiète et t'agites pour bien des choses... C'est Marie qui a choisit la meilleur part ; elle ne lui sera pas enlevée. »

     

    La représentation de cet épisode est inhabituel. La présence de quatre hommes autour de la table, probablement quatre disciples, est assez étonnante. Leur attitude surprend. Assis à la droite du Christ, celaui qui est en rouge, peut-être Pierre, semble avoir une expression de désapprobation.

     

    Son attitude rappelle celle de Simon le pharisien, que Luc rapporte aussi dans son évangile. Comme Marthe, Simon a reçu Jésus à déjeuner. Il a désapprouvé le geste de la pécheresse qui a parfumé les pieds du Christ pour exprimer son repentir. Sur ce panneau, la position de Marie, assise à même le sol aux pieds de Jésus, évoque elle aussi les représentations chez Simon. Le peintre a probablement voulu insister sur le thème de la conversion et de la pénitence. Nous savons aujourd'hui que plusieurs femmes suivaient Jésus. La sœur de Marthe n'était peut-être pas la pécheresse repentie, qui n'était pas forcément Marie de Magdala, mais, au Moyen-Âge, toutes ces femmes n'en faisaient qu'une. Cela transparaît dans les œuvres d'art. Marie-Madeleine était un symbole de péché, suivi de pardon et de conversion. Et d'un changement de vie.

     

    Un phylactère sort de la bouche du Christ et un autre de celle de Marthe. Il s'agit de bandelettes du culte israélite, sur lesquelles sont inscrits des passages de l'Ecriture, et que les Juifs portent sur eux dans certaines circonstances. Elles sont devenues dans l'art médiéval d'Occident, en particulier au XVe siècle, des banderoles où figurent en latin les paroles prononcées par les personnages sacrées, jouant le rôle de la bulle des Bandes dessinées d'aujourd'hui. Le dialogue du Crist et de Marthe s'y déploie en caractères gothiques.

     

     

    La panneau en son entier...

     

     

     

    Ce Christ chez Marthe et Marie est un des éléments d'un retable peint sur bois, vers 1460, par le tyrolien Léonhard Scherhauff appelé aussi Léonhard von Brixen ou le maître de Brixen. Ce peintre peu connu est encore dans le courant artistique, né à la cour de France au XIVe siècle, que l'on nomme gothique international. En Italie, l'art en est déjà à la deuxième génération de peintre de la première Renaissance, en plein retour à l'esthétique de l'Antquité. Rien de tel chez notre artiste, qui, au milieu du XVe siècle, continue le style de la fin du Moyen-Âge, réaliste, pittoresque, naïf et en même temps méditatif, avec même le fond d'or archaïsant des icônes. Ce retable est conservé au Musée National de Varsovie. Sur le même panneau est représenté le Christ guérissant la femme émoroïsse. Notre scène se situe sous celle de cette guérison, et au-dessus d'un fragment de scène difficile à identifier, le tableau ayant été scié. Les polonais appelle ce peintre maître de Wielowiers, une ville de Pologne, ce qui est peu probable.

     

    Mari-Gabrielle Leblanc

     

     


    8 commentaires
  •  

     

     

     

     

     

    Huitième pièce de la tenture de David et Bethsabée

     

    En guerre contre les Ammonites, David s'est lassé de son épouse Michol, qui est stérile et fait preuve d'irrespect à son égard : elle s'est moqué de lui quand il a dansé pieds nus pour Dieu, devant l'Arche d'Alliance, en jouant de la Harpe. Il conçoit passion pour Bethsabée, la femme du général Urie, qu'il a aperçue en train de se baigner. Il commet l'adultère avec elle, et elle conçoit. David fait revenir Urie du front et l'encourage à aller se reposer chez lui pour lui faire endosser la paternité de l'enfant. Mais Urie s'entête à monter la garde devant l'appartement du roi. David le renvoie donc au front, porteur d'une lettre pour le général Joab, qui ordonne de placer Urie en première ligne et de s'arranger pour qu'il soit tué, ce qui se produit. Dieu envoie alors le prophète Nathan semoncer David, qui prend conscience qu'il est non seulement adultère mais meurtrier. David dit à Nathan : « J'ai péché contre le Seigneur ! » Nathan lui répondit : « Le Seigneur a passer sur ton péché, tu ne mourras pas. Cependant, parce que tu as bafoué le Seigneur, le fils que tu viens d'avoir mourras. » David décide alors de faire pénitence : « Il jeûna strictement, et, quand il rentrait chez lui, il passait la nuit couché par terre. Il rentra chez lui et passait la nuit sur la terre nue, vêtu d'un sac. » (Samuel). Dieu lui pardonne et permet qu'il remporte la victoire contre ses ennemis. David épouse Bethsabée. De leur union naîtra le grand roi Salomon.

     

    La huitième pièce de cette tenture, La mort de l'enfant et la victoire promise au roi réconcilié, montre le repentir du roi, sa pénitence et sa conversion. Elle se lit de haut en bas et de gauche à droite.

     

    Tout en haut, à gauche, David est retiré dans sa chambre, au premier étage du palais, après l'admonestation de Nathan qui a fait apparaître devant lui, sur la pièce de tapisserie précédente, les figures allégoriques de la Contrition, la miséricorde, la colère de Dieu, la justice, et la sagesse chassant la luxure. Il est à genoux sur un prie-Dieu, au pied de son lit. Des serviteurs lui annonce la mort de l'enfant.

     

    Le roi se rend alors en cortège à la maison de Dieu pour s'y prosterner, en bas, à gauche.

     

    Après ce temps de repentance, David rompt le jeûne, en haut, au centre. Debout à côté de lui, Bethsabée à l'air triste et passif, comme tout au long de la tenture, où elle semble toujours subir les événement et se soumettre à David. Au premier plan, au centre, David est devant son palais, au milieu des courtisans magnifiquement vêtus, pour recevoir, d'un messager agenouillé, une lettre de Joab lui demandant de rejoindre l'armée pour achever la prise de Rabba, la capitale des Ammonites.

     

    En haut à droite, chevauchant un destrier blanc, le roi part avec ses chevaliers.

     

    Marie-Gabrielle Leblanc

     


    14 commentaires
  •  

     

     

     

     

    Jonas, détail d'une page enluminée de la Bible moralisée d'Oxford, deuxième tome, copiée et enluminée à Paris entre 1235 et 1245, Parie BNF

     

     

     

    Représenté jeune comme le Chris, selon l'usage du XIIIe siècle, Dieu est isolé dans un nuage bleu. IL ordonne à l'énorme poisson de recracher Jonas : « Dieu parla au poisson qui vomit Jonas sur le rivage ». C'est le bord beige du médaillon, enjambé par Jonas, qui figure la terre ferme.

     

    Dieu avait envoyé Jonas prêcher la conversion à Ninive, capitale de l'empire assyrien qui avait asservi cruellement les royaumes d'Israël et de Judas, en 722 avant Jésus Christ. Mais Jonas s'embarque, pour fuir cette mission qui le terrifie, sur un bateau à destination de Tarsis, à l'extrémité du monde connu à l'époque. Alors Dieu déclenche une tempête. Terrifié, les marins prient leur dieu dans l'espoir d'être épargnés. Jonas, lui, dort dans sa cabine... « Le capitaine alla le trouver et lui dit : « Qu'est-ce que tu fais ? Tu dors ? Lèves-toi ! Invoques ton Dieu. Peut-être que ce dieu s'occupera de nous pour nous empêcher de périr. » Jonas finit par avouer que c'est lui qui a provoqué la colère de dieu. De nos jours encore, un passager que l'on soupçonne de porter malheur est appelé par les marins un Jonas...

     

    Les matelots prient alors Yavé de leur pardonner et, « s'emparant de Jonas il le jetèrent à la mer. » Mais Dieu a pitié de lui : « Dieu fit qu'il y eut un gros poisson pour engloutir Jonas. » le prophète va rester trois jours dans le ventre de cet énorme poisson,ou de la baleine, selon les traductions. C'est alors qu'il se décide enfin a adresser une belle et ardente prière à Dieu, qui prophétise la mort du Christ, sa descente aux enfers et sa Résurrection : « J'étais descendu dans les pays souterrains vers les peuples d'autrefois, mais de la fosse tu as fait remonter ma vie. » Jésus le confirmera au chapitre douze de l'évangile selon saint Matthieu : « De même que Jonas fut dans le ventre de la baleine trois jours et trois nuits, de même le Fils de l'Homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits. »

     

    L'histoire de Jonas est un entétype (préfiguration, prophétie) du Christ. Jonas est le cinquième des douze petits prophètes à la fin de l'Ancien Testament, quelques siècles avant la naissance du Christ...

     

     

    Bible moralisée de Tolède appelée aussi Bible de Saint Louis, vers 1220- 1240, Cathédrale Sainte Marie Tolède Espagne

     

    Cette Bible, copiée et illustrée à Paris dans la première moitié du XIIIe siècle, appartint à un laïc inconnu de la cour de Saint Louis. Une bible moralisée, généralement publiée en plusieurs tomes, est composée de milliers de petits tableaux racontant tous les épisodes de la Bible, Ancien et Nouveaux Testament, avec un teste abrégé en regard de chaque image. A chaque scène biblique correspond une autre image qui en propose l'interprétation, inspirée des commentaires du théologien dominicain Hugues de Saint Cher. Elle était ditemoralisée car elle donne des règles de vie à suivre pour se comporter en bon chrétien.

     

    Le manuscrit de Paris n'est qu'un tiers de cette Bible ; le premier volume est conservé à la bibliothèque d'Oxford, et le troisième au British Museum de Londres. Elle connue un vif succès auprès des rois et des princes. Chaque page comporte huit médaillons, sur fond rouge dans la colonne de gauche, bleus dans celle de droite, comme sur lees vitraux du XIIIe siècle. Notre feuillet, raconte l'histoire de Jonas et la met en parallèle avec le Christ qui ne s'est pas dérobé à sa mission, est mort et a été enseveli, puis est ressuscité d'entre les morts.

     

    Marie-Gabrielle Leblanc

     


    10 commentaires
  •  

     

     

    Les persécutions chrétiennes ont repris un peu partout dans le monde, et même chez nous en France les chrétiens sont très mal considérés... va-t-on un jour nous crucifier, nous pendre ou nous brûler ? Allez donc savoir !

     

    Les persécutions des chrétiens débutèrent à Rome sous le règne de Néron, en 64, il y a 1960 ans. Tous les prétextes – politiques, économiques, religieux – furent avancés pour justifier l'oppression du christianisme. La foi inébranlable de ces premiers martyrs nous livre une leçon d'une stupéfiante actualité.

     

     

    Crucifixion et apothéose des dix mille martyrs du mont Ararat (détail)

     

    Vittore Carpaccio (1515)

     

     

     

    Rome, 18 juillet64 :Un incendie incontrôlable, durant dix jours, détruit les deux tiers de la ville, fait des milliers de morts, des centaines de milliers de sans-abri. Le coupable supposé ? Néron, qui doit d'urgence détourner les soupçons. Son entourage suggère le bouc émissaire idéal, une petite secte d'origine juive dissidente : les « chrétiens ». On les prétend sorciers, sacrilèges, criminels. Peu importe que nul ne peut en apporter la preuve. D'ailleurs, ce sont des orientaux, les romains s'en méfient.

     

    Aujourd'hui, il est à peu près sûr que Néron n'est pas l'incendiaire de Rome, une bougie mal éteinte aurait mis le feu dans une maison d'après ce que j'ai lu dans un bouquin et comme les maisons étaient en bois, le feu s'est très rapidement propagé. Cependant, Néron adorait le feu, il chantait devant ce dernier en composant et en s'accompagnant de sa cithare... Livia

     

     

    Les torches de Néron ou Lumières chrétiennes ou Lumières du christianisme

     

    Henryk Siemiradzki

     

    «Le sujet du tableau est extrait de la première persécution sous Néron ; dans le magnifique jardin du Palais doré, Néron organise un « event *» pour une fête nocturne luxuriante ; dans la clairière devant la terrasse du palais se sont réunis des spectateurs dans l'attente impatiente du début d'un spectacle magnifique : des torches vivantes, des chrétiens attachés sur de grandes perches, couverts de paille et de résine, disposés à intervalles réguliers ; les torches ne sont pas encore allumées, mais l'empereur est déjà là, porté sur une litière dorée et entouré d'une cour de flatteurs, de femmes et de musiciens. Le signal est déjà donné et les esclaves se préparent à mettre le feu aux torches, dont la lumière illuminera la plus honteuse des orgies. Mais ce sont les mêmes lumières qui ont dispersé les ténèbres du monde païen, et en brûlant les martyrs dans d'horribles tourments ont répandus [sic] la nouvelle doctrine du Christ. C'est pourquoi je pense intituler mon tableau Lumières chrétiennes ou Lumières du christianisme. »

     

     

     

    *Event est un mot anglais qui signifie événement. Utilisé, en français dans le domaine de l'art, il prend un sens particulier et précis. L'event, en art contemporain, désigne une œuvre qui se caractérise par le fait que c'est le spectateur qui la constitue. L'artiste ou le groupe d'artistes dispose et utilise dans un lieu des objets, des peintures mais aussi des sons, des films que le spectateur va s'approprier pour créer lui-même une œuvre.

    (ici Néron a utilisé les chrétiens comme torches pour éclairer son dîner, le martyr des chrétiens était l'event de Néron !)

     

     

     


    15 commentaires
  •  

     

     

     

     

    Moïse présentant les tables de la Loi

     

    Philippe de Champaigne

     

    C'est en 1663 que Philippe de Champaigne peint ce Moïse, pour un commanditaire inconnu. Il le représente après qu'il a reçu de Dieu les Tables de la Loi, sur le mont Horeb dans le massif du Sinaï (exode 20 et 34). Ces dix Commandements sont à la fois le signe concret de l'Alliance conclue par Dieu avec Israël, et la règle de vie morale proposée au peuple Hébreux. Moïse apparaît sous sa double fonction de Prophète apportant au peuple la Parole divine, et de législateur lui donnant les règles pour vivre selon le dessein de Dieu, comme l'indique la férule en bois qu'il tient dans sa main gauche. Pour ses contemporains, Champaigne conçoit ce thème comme une invitation à la conversion, et à l'obéissance à la volonté de Dieu.

     

    Le visage de Moïse est impressionnant de majesté car il a vu Dieu face à face : Il rayonne et reflète la gloire divine. Deux rayons lumineux émanent de sont front, en forme de cornes car, la vulgate, la version latine de la Bible, ces rayons avaient été traduit par cornes. Moïse montre les deux Tables avec son pouce et son index, geste qui rappelle ces fameuses cornes. Le majeur est visible aussi, ce qui peut être une préfiguration de la Sainte Trinité.

     

    Comme toujours chez Champaigne, le nuancier des couleurs est superbe : Le bleu éclatant, l'or étincelant, le rouge rubis profond... loin de distraire l'attention, elle rehausse la solennité de ce thème. Etant un des plus éminent prophète de l'Ancien Testament, Moïse porte de somptueux vêtements, tunique bleue à galon d'or, manteau entièrement brodée de fil d'or, doublé d'écarlate et retenu par un fermail carré en or pavé de rubis et de perles.

     

    A l'arrière plan, on distingue un paysage montagneux crépusculaire, juste avant la nuit noire, qui évoque le Sinaï.

     

    On dit souvent le mont Sinaï, ce qui est incorrect car le Sinaï est un massif au même titre que les Alpes, les Pyrénées ou les Carpates. Plusieurs siècles après Moïse, les juifs, qui faisaient des pélerinages sur leurs lieux saints, ont identifié l'Horeb de la Bible comme la montagne que nous appelons le Mont Moïse, où le monastère Sainte Catherine, fut construit au VIe siècle après Jésus Christ.

     

    Marie-Gabrielle Leblanc

     


    14 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique