• Commencement d'une vie...

     

     

     

     

    Littérature

     

     

    La salle d’étude…

     

     

    L’enfant que je fus…

     

    L’enfant que je fus, je continuerai de le poursuivre dans les corridors dallés blancs et noir de Grand-Lebrun, ce collège englouti au fond de mon passé, monde minuscule où pendant des années j’ai vécu d’avance ma vie d’homme, où j’ai joué avec les modèles réduits de mes passions futures. Le ciel fumeux, les platanes du jardin, la récréation de quatre heures, l’odeur de l’étude du soir… Etrange univers qui avait ses lois, ses superstitions, ses triomphes et ses désastres. L’amour de Dieu et celui des créatures y déchiraient des cœurs. La liturgie catholique imposait au temps son rythme accordé sur celui des saisons et conférait à certains jours une atmosphère solennelle de deuil, d’espérance ou de joie. […]

    Nous entrions dans l’étude que chauffaient les premiers radiateurs à eau chaude ; nous entrions dans l’odeur des pensionnaires et dans celle du surveillant, odeur aigre, indéfinissable, qui ne me déplaisait pas.  Une demi-heure consacrée aux leçons, puis une brève récréation, et enfin deux heures de classe, encore un quart d’heure pour jouer, et de nouveau l’étude jusqu’à midi. A 1 heure et demie le travail reprenait jusqu’à six heures et demie ! Instant qui, aujourd’hui encore après un quart de siècle, a gardé pour moi un goût  délicieux de délivrance. A vrai dire, je commençais de n’être plus malheureux pendant la longue étude du soir. Le retour à la maison était proche. Rien ne me menaçait plus. Ce long temps que j’aurais pu consacrer à mes devoirs, c’était pour écrire mon journal ou des poèmes, que j’en usais. Très tôt m’a tenu le besoin d’écrire, de me délivrer par l’écriture. Que ne donnerais-je pas pour retrouver les cahiers intimes de ma première adolescence que j’eus la sottise de brûler !

    A travers les vitres, mon regard cherchait le ciel. Sous prétexte d’aller aux cabinets, parfois j’obtenais de sortir. J’avançais à petits pas dans la cour déserte, je respirais la nuit qui sentait les feuilles pourries, la brume ; mais je ne sais quel relent de ville composait cette odeur particulière à la banlieue.

    François MAURIAC : Commencement d’une vie.

     

     


  • Commentaires

    1
    Lundi 23 Septembre 2013 à 15:27

    Si François Mauriac revoyait les salles de cours d'aujourd'hui, il en serait surpris : Font-elle d'aussi bons écrivains ?

    Bise ma belle amie

    2
    Lundi 23 Septembre 2013 à 19:00

    Si François Mauriac revenait, il prendrait ses jambes à son cou et filerait le plus loin possible!

    Bises mon amie

    3
    Mardi 24 Septembre 2013 à 10:24
    rouergat12

    Bonjour Livia

    J'ai relu avec plaisir ce texte de François Mauriac

    4
    Mardi 24 Septembre 2013 à 11:09

    Bonjour rouergat12,

    On ne lasse pas de Mauriac, d'autant qu'il n'y a plus de très grands écrivains aujourd'hui. Ceux que la crtique enscence, sont pâlots...et de gauche!

    5
    Samedi 28 Septembre 2013 à 13:30

    Grand Lebrun est un lycée très huppé de Bordeaux qui existe toujours. Bisous

    6
    Samedi 28 Septembre 2013 à 15:15

    Bonjour Brigitte

    Je ne connais pas ce lycée, Mr Mauriac était de la Haute et riche bourgeoisie bordelaise, ce n'est pas étonnant qu'il y soit allé. Bisous

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