« LE
SONDAGE EST A L’ELECTION CE QUE LE FLIRT EST A L’AMOUR »
Longtemps,
le peuple souverain n’a eu d’autre exutoire que les scrutins, décisifs certes, mais pas assez fréquents pour étancher la soif de démocratie des vrais républicains.
Et
puis, un Américain nommé Gallup, plus porté sur la sexualité des individus que sur le suffrage universel, a inventé les sondages.
Aujourd’hui,
cette prise de température de l’opinion publique est devenue si quotidienne que le corps électoral conserve en permanence le thermomètre dans la bouche.
En
fait, les sondages est à l’élection ce que le flirt est à l’amour. Une façon de se connaître à l’aide de galipettes préliminaires, sans garantie d’orgasme final. Le principal attrait du sondage
réside dans le fait de pouvoir changer de partenaire chaque matin. Car le gâteau électoral est comme l’amour d’une mère chanté par Victor Hugo : »Chacun à sa part et tous l’ont tout
entier ». Au moins jusqu’à ce qu’on ouvre les urnes.
En
attendant ce moment fatidique, il n’existe pas de meilleure manière d’exister pour des leaders qui n’iront pas plus loin qu’une déclaration de candidature annoncée dans leur cuisine ou sous un
pont.
Bien
sûr, l’exercice coûte cher en argent gâché, en soirées perdues, en déplacements inutiles mais même si l’on n’est pas remboursé, le retour sur investissement se présente sous la forme des
intentions de vote recueillies par des tâcherons et corrigées par des arithméticiens.
Si,
pour prolonger la comparaison sexuelle, les 0% font figure d’impuissants, les candidats qui passent de 2 à 9% accèdent au statut d’apprentis séducteurs, et les mieux placés, à celui de la
réincarnation de Don Juan.
De leur
côté, les citoyens interrogés (si depuis ma naissance on ne m’a jamais posé ce genre de questions, c’est sans doute qu’on ne m’a pas jugé assez « représentatif » sur le plan
socioculturel) s’en donnent à cœur joie en se jetant au cou de leur tribun préféré ou –pour les plus volages- en pratiquant l’échangisme idéologique.
Hélas !
en dépit des avancées de la biologie, les instituts de spécialisées sont incapables d’opérer le moindre distinguo entre les rigolos qui disent n’importe quoi, les pudiques qui cachent leur leurs
véritables inclinations, les honteux qui n’osent avouer leur choix, les bougons peu disposés à confier à de jeunes enquêteurs supposés anars et les pervers qui n’aspirent qu’à embrouiller un peu
plus une situation, déjà confuse.
En fin
de parcours, lorsque les indécis auront pris leur décision, la fuite ou l’éviction de nombreux dragueurs de voix ne laissera plus en lice que tête d’affiche dont l’une n’ouvrira plus les lèvres
pendant cinq ans et dont l’autre, protégée par un rempart de gardes du corps, ne se laissera plus embrasser jusqu’à la fin de son règne.
Philippe
BOUVARD
Extrait
de : Figaro Magasine
[…]
« A l’origine, les enquêtes de l’Américain Georges Gallup n’ont qu’un but : aider les entreprises à aller au-devant des souhaits du consommateur. Et puis soudain, à la faveur du duel
présidentiel Roosevelt-Landon (1936), Georges a une intuition géniale : et si les électeurs n’étaient rien d’autre que des consommateurs de politique, et les partis leurs fournisseurs ?
La sondologie a trouvé un nouveau marché ; elle ne le lâchera plus. » […]
Basile
de KOCH
Extrait
de : Valeurs Actuelles.
Le Temple de la « Pensée
Unique » !