• La plainte du bois...

     

    Que l'on est bien le soir devant la cheminée à regarder le feu !

     

    C'est un spectacle merveilleux, un chant dans la nuit...

    Sans savoir que le bois gémissait.
    Livia

     

     

    Un beau feu dans la cheminée...

    (image pixabay)

     

     

    La plainte du bois

    Dans l'âtre flamboyant le feu siffle et détone,
    Et le vieux bois gémit d'une voix monotone.

    Il dit qu'il était né pour vivre dans l'air pur,
    Pour se nourrir de terre et s'abreuver d'azur,
    Pour grandir lentement et pousser chaque année
    Plus haut, toujours plus haut, sa tête couronnée,
    Pour parfumer avril de ses grappes de fleurs,
    Pour abriter les nids et les oiseaux siffleurs,
    Pour jeter dans le vent mille chansons joyeuses,
    Pour vêtir tour à tour ses robes merveilleuses,
    Son manteau de printemps de fins bourgeons couvert,
    Et la pourpre en automne, et l'hermine en hiver.
    Il dit que l'homme est dur, avare et sans entrailles,
    D'avoir à coups de hache et par d'âpres entailles
    Tué l'arbre ; car l'arbre est un être vivant.
    Il dit comme il fut bon pour l'homme bien souvent,
    Qu'à nos jeunes amours et nos baisers sans nombre
    Il a prêté l'alcôve obscure de son ombre,
    Qu'il nous couvrait le jour de ses frais parasols
    Et nous berçait la nuit aux chants des rossignols,
    Et qu'ingrats, oubliant notre amour, notre enfance,
    Nous coupons sans pitié le géant sans défense.

    Et dans l'âtre en brasier le bois geint et se tord.

    Ô bois, tu n'es pas sage et tu te plains à tort.
    Nos mains en te coupant ne sont pas assassines.
    Enchaîné, subissant l'entrave des racines,
    Tu végétais au même endroit, sans mouvement,
    Et conjoint à la terre inséparablement.
    Toi qui veux être libre et qui proclames l'arbre
    Vivant, tu demeurais planté là comme un marbre,
    Captif en ton écorce ainsi qu'en un réseau,
    Et tu ne devinais l'essor que par l'oiseau.
    Nous t'avons délivré du sol où tu te rives,
    Et te voilà flottant sur l'eau, voyant des rives
    Avec leurs bateliers, leurs maisons, leurs chevaux.
    Ô les cieux différents ! les horizons nouveaux !
    Que de biens inconnus tu vas enfin connaître !
    Quel souffle d'aventure étrange te pénètre !
    Mais tout cela n'est rien. Car tu rampes encor.
    Qu'on le fende et le brûle, et qu'il prenne l'essor !
    Et le feu furieux te dévore la fibre.
    Ah ! tu vis maintenant, tu vis, te voilà libre !
    Plus haut que les parfums printaniers de tes fleurs,
    Plus haut que les chansons de tes oiseaux siffleurs,
    Plus haut que tes soupirs, plus haut que mes paroles,
    Dans la nue et l'espace infini tu t'envoles !
    Vers ces roses vapeurs où le soleil du soir
    S'éteint comme une braise au fond d'un encensoir,
    Vers ce firmament bleu dont la gloire allumée
    Absorbe avec amour ton âme de fumée,
    Vers ce mystérieux et sublime lointain
    Où viendra s'éveiller demain le frais matin,
    Où luiront cette nuit les splendeurs sidérales,
    Monte, monte toujours, déroule tes spirales,
    Monte, évanouis-toi, fuis, disparais ! Voici
    Que ton dernier flocon flotte seul, aminci,
    Et se fond, se dissout, s'en va. Tu perds ton être ;
    Aucun œil à présent ne peut te reconnaître ;
    Et toi qui regrettais le grand ciel et l'air pur,
    Ô vieux bois, tu deviens un morceau de l'azur.

    Jean Richepin

     


  • Commentaires

    1
    Lundi 20 Novembre 2023 à 04:18

    Merci pour cette découverte 

    Un poème qui en dit long 

    Le bois matière vivante en effet ...

    Bonne journée Livia

      • Lundi 20 Novembre 2023 à 09:38

        Bonjour Rose,

        Et pourtant j'adore regarder le feu, dans la cheminée cela va s'en dire.

        Bonne journée

    2
    Lundi 20 Novembre 2023 à 05:24
    Cigalette 106

    Bonjour magnifique poème merci bonne journée

      • Lundi 20 Novembre 2023 à 09:39

        Bonjour Francine,

        Bonne journée

    3
    Lundi 20 Novembre 2023 à 06:04

    voilà un bien joli récit.....bien trouvé....passe un bien agréable début de semaine

      • Lundi 20 Novembre 2023 à 09:40

        Bonjour Monique,

        C'est un poète que j'apprécie particulièrement,

        Belle journée

    4
    Lundi 20 Novembre 2023 à 08:49

    Quel magnifique poème qui parle de la douleur des arbres! C'est vrai que nos arbres vivent, naissent et poussent pour notre bonheur et l'homme les détruit!

    Je t'embrasse
    Gigi

      • Lundi 20 Novembre 2023 à 09:41

        Bonjour Gigi,

        C'est vrai que le bois vit mais pourtant j'adore regarder le feu dans la cheminée c'est fascinant...
        je t'embrasse

    5
    Lundi 20 Novembre 2023 à 09:34

    Regarder le feu dans la cheminée est complètement hypnotique... c'est bizarre, on est fasciné et on ne pense à rien, on regarde c'est tout !

    Dommage que certains malades ne se contentent pas de la cheminée, mais se délectent d'une forêt qui brûle...mad

    Bisous et bonne journée

      • Lundi 20 Novembre 2023 à 09:43

        Bonjour Lucky,

        Tu as raison je passais des heures devant ma cheminée à regarder, comme fascinée, le feu dévorer les bûches...

        Bisous et bonne journée

    6
    Lundi 20 Novembre 2023 à 11:13

    Superbe photo d'un feu dans la cheminée agrémentée d'un beau poème de Jean Richepin, merci Livia.
    Bises et bon début de semaine - Zaza

      • Lundi 20 Novembre 2023 à 11:19

        Bonjour Zaza,

        C'est poète que j'apprécie énormément, un poète pourtant presque oublié... quand au feu dans le cheminée, c'est une passion chez moi, je le regardais fascinée autrefois quand j'avais une cheminée.

        Bises et belle journée

    7
    Lundi 20 Novembre 2023 à 15:24
    Renée

    magnifique poème, bien que le feu dans la cheminée soit bon et beau, c'est vrai que l'arbre n'as pas demander a y finir... Bisous bonne semaine

      • Mardi 21 Novembre 2023 à 00:20

        Bonsoir Renée,

        J'avoue que je n'y avais jamais pensé, quand j'avais une cheminée, j'admirai simplement le feu comme fascinée.
        Bisous et bonne nuit

    8
    Marie-Gabrielle
    Mardi 21 Novembre 2023 à 00:35

    Magnifique poème que je ne connaissais pas. Je n'ai malheureusement jamais eu la chance d'avoir une cheminée dans les 4 ou 5 logis que j'ai eus dans ma vie, mais quand j'ai été invitée chez des amis qui ont une, quel bonheur.

      • Mardi 21 Novembre 2023 à 09:19

        Bonjour Marie-Gabrielle,

        Nous avions une cheminée dans la maison que nous avions achetée et je pouvais rester des heures à regarder les flammes danser, avec en plus de la musique c'était un grand bonheur comme vous dites, malheureusement je n'en ai plus, mais quand je suis invitée chez des amis qui en ont encore une, je suis aux anges !

         Jean Richepin, est un grand poète malheureusement  oublié, que j'admire énormément

    9
    Mardi 21 Novembre 2023 à 09:15

    Bonjour Chantal. Ce sont deux points de vue différents. L'arbre est mieux dans son milieu mais l'homme a besoin de lui pour se chauffer, se meubler, se cultiver avec le papier, etc...

      • Mardi 21 Novembre 2023 à 09:21

        Bonjour Brigitte,

        Tu as raison, mais devant une cheminée on oublie tout cela, on admire fasciné le mouvement des flammes, j'ai adoré le faire chaque hiver quand j'avais une cheminée et suis ravie de le refaire chez es amis...
        Bisous et bonne journée

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