• Les yeux bleus...

     

     

     

     

     

    Poème

    La sirène

    J.W. Waterhouse

     

     

     

    Et pour vous accompagner durant la lecture du poème, La Mer de Claude Debussy :

     http://www.youtube.com/watch?v=FOCucJw7iT8

     

     

    Caerulei Oculi

    (Les yeux bleus)

     

    Une femme mystérieuse,

    Dont la beauté trouble mes sens,

    Se tient debout, silencieuse,

    Au bord des flots retentissants.

     

    Ses Yeux, où le ciel se reflète,

    Mêlent  à leur azur amer,

    Qu’étoile une humide paillette,

    Les teintes glauques de la mer.

     

    Dans les langueurs de leurs prunelles,

    Une grâce triste sourit ;

    Les pleurs mouillent les étincelles

    Et la lumière s’attendrit ;

     

    Et leurs cils comme des mouettes

    Qui rasent le flot aplani,

    Palpitent, ailes inquiètes,

    Sur leur azur indéfini.

     

    Comme dans l’eau bleue et profonde,

    Où dort plus d’un trésor coulé,

    On y découvre à travers l’onde

     La coupe du roi de Thulé.

     

    Sous leur transparence verdâtre,

    Brille parmi le goémon,

    L’autre perle de Cléopâtre

    Près de l’anneau de Salomon.

     

    La couronne au gouffre lancée

    Dans la ballade de Schiller,

    Sans qu’un plongeur l’ait ramassée,

    Y jette encor son reflet clair.

     

    Un pouvoir magique m’entraîne

    Vers l’abîme de ce regard,

    Comme au sein des eaux la sirène

    Attirait Harald Harfagar.

     

    Mon âme, avec violence

    D’un irrésistible désir,

    Au milieu du gouffre s’élance

    Vers l’ombre impossible à saisir.

     

    Montrant son sein, cachant sa queue,

    La sirène amoureusement

    Fait ondoyer sa blancheur bleue

    Sous l’émail vert du flot dormant.

     

    L’eau s’enfle comme une poitrine

    Aux soupirs de la passion ;

    Le vent, dans sa conque marine,

    Murmure une incantation.

     

    Oh ! viens dans ma couche de nacre,

    Mes bras d’onde t’enlaceront ;

    Les flots, perdant leur saveur âcre,

    Sur ta bouche, en miel couleront.

     

    « Laissant bruire sur nos têtes,

    La mer qui ne peut s’apaiser,

    Nous boirons l’oubli des tempêtes

    Dans la coupe de mon baiser. »

     

    Ainsi parle la voix humide

    De ce regard céruléen,

    Et mon cœur, sous l’onde perfide,

    Se noie et consomme l’hymen.

     

    Théophile Gauthier


  • Commentaires

    1
    Jeudi 20 Mars 2014 à 06:54

    waouu, une belle sirène sur cette magnifique peinture.....passe un bien joli jeudi

    2
    Jeudi 20 Mars 2014 à 09:29
    rouergat

    Bonjour Livia


    Très bon choix que cette poésie de Théophile Gauthier, je reviendrais pour la relire:merci. 

    3
    Jeudi 20 Mars 2014 à 10:59

    Bonjour moqueplet,

    J.W. Waterhouse est un peintre que j'admire énormément, et TH. GAuthier un immense poète français, j'ai réuni les deux...Bon jeudi

    4
    Jeudi 20 Mars 2014 à 11:01

    Bonjour rouergat,

    Je ne connaissais pas cette poésie, (je ne crois pas que l'on nous l'ait fait apprendre), mais c'est magnifique, sensuel, comme sait si bien l'écrire Th. Gautier.

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