• Littérature.

     

     

     

     

     

     

     

     

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    UNE PETITE CROUTE…

     

    « Est-ce qu’il reste du pain ?

    La question vient toujours trop tard. C’est peut-être pour ça qu’elle est posée sur un ton d’inquiétude vive, presque d’angoisse. On y entend aussi une espèce de fatalisme désenchanté.

    « Attends, j’y vais en courant. Chez Trudelle, parfois il ferme tard.

    « Oh ! non, maintenant, c’est plus la peine !

    Il y a comme une satisfaction tragique à boire jusqu’à la lie cette catastrophe du soir. Bien sûr on va se reprendre, bien sûr quelqu’un dira :

    « C’est pas grave, pour une fois, on prendra des biscottes…

    Il n’empêche. L’absence de pain engendre une consternation sans proportion avec le préjudice infligé. Sans pain, on sort du code, on devient hors-la-loi. D’ailleurs, ceux-qui-savent-prendre-leurs-précautions en donnent la leçon : sur la plage arrière des voitures, le dimanche soir, ils ont placés dès dix-sept heures la baguette salvatrice qui les dédommagera de tous les embouteillages.

    Ils arriveront chez eux la nuit, harassés, sans plus la moindre envie de ce dîner, même à la sauvette. Mais auront du pain.

    Bien plus qu’un aliment, il s’agit là d’une assise mentale. Le pain, c’est le squelette, la structure des journées. Un peu de croûte rêche et brune, un peu de mie : la vie a trouvé là sa poutre de soutènement. Malheur à qui n’a pas prévu de dispenser jusqu’au terme du jour ce modeste mètre étalon qui sert bien moins à mesurer notre appétit que notre prévoyance. A l’heure où les invités s’attardent, vont se voir proposer de partager les restes, avec une salade, rien de plus, la terrible question tardive va venir, et comme chaque fois nous prendre au dépourvu. On se sentait si généreux, et voilà l’infamie :

    « Vous resterez bien casser une petite croûte ? »

    Philippe DELERM

    Extrait de : La sieste assassinée.

     

    Note de liviaaugustae : Ce pain, qui chez nous en France, fait partie de notre quotidien. Ce pain qui est la vie, et que nous ne trouvons pas toujours dans les voyages « de rêve » qu’offrent les agences touristiques…

    Bien sûr, me direz-vous, il y a autre chose, des plages (où grouille une foule intense) où l’on peine à atteindre la mer, qui grouille, elle aussi.

    Le soleil (qui à haute dose est une fabrique à cancer), les plats « exotiques », que l’on mange par bravade, pour faire comme tout le monde, mais qu’au fond on n’aime pas.

     Et puis l’on rentre vanné, pour reprendre le travail, avec tant de contradictions en son for, que l’on ne sait plus très bien, si l’on a aimé ces vacances ou si on les a détestées…

    Cependant, il reste les amis, que l’on pourra épater, ceux qui sont restés dans la maison de famille, ou ceux qui ont fait leur popote dans leur camping-car…

    Mais eux, ils ont mangé du pain !

     

     

     

     

     

     

     

     


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