• Littérature.

     

     

     

     

     

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    Une fenêtre ouverte sur le jardin, enlacée par la glycine odorante…

     

     

     

    LES GRANDES VACANCES.

     

     

    Les vacances, on en rêve tous l’hiver, mais c’est une rude épreuve quand on est un père de quatre enfants en âge de conduire. Ils empruntent ma voiture sans préavis et la ramènent au petit matin avec des bleus sur la carrosserie. On les entend rentrer, car ils brament sans vergogne les airs de techno que leur chaîne serine déjà à longueur de journée. Après quoi, ils vident le réfrigérateur avant de se répandre dans les chambres qui n’ont rien à envier à Berlin ou Dresde après les bombardements de l’été 1945. Evidemment, ils se sont abstenus de débarrasser la table, de suspendre leur blouson et d’éteindre les lumières. Trêve des armes le matin : ils dorment jusqu’à 14 heures. Mais il m’est impossible de me vêtir, mes fils ayant fauché mes shorts et mes chaussettes, ma fille, mes tee-shirts et Sherlock Holmes lui-même ne les trouverait pas. En prenant leur petit-déjeuner à 15 heures, ils lisent mon journal à leur façon : chacun prend une double page et la laisse traîner aux toilettes. Ou allume le feu avec. Ils ne finissent jamais un livre mais en effeuillent cent, qu’ils abandonnent au jardin et peu leur chaut s’il pleut dessus, ces barbares n’ont pas le culte de la culture.

    Ils sont quatre sur mon livret de famille, mais sous mon toit ça se multiplie par plusieurs unités avec le renfort variable de cousins, copains, petits amis et compères de rencontre. Leur mère est réduite à l’état de cantinière et de lingère. Moi, j’assiste au chaos en spectateur ahuri. Car ils crient, ils chahutent, ils dévalent les escaliers en courant, oublient de refermer les portes ; c’est un vacarme tel, que le chien se planque sous la table, que le chat s’enfuit au grenier. S’ils jouent au foot, les ballons crèvent au bout de deux jours, les vitres explosent, ils ont le vice de la destruction. Si je me mets de la partie, ils me cisaillent pour bien me signifier que le règne du père est une vieille lune.

    Je m’accroche, ça les agace mais le lendemain, j’ai des courbatures. Si j’ose les prier de respecter mon droit au silence, ils ironisent impitoyablement : le « papy » se prend pour un écrivain. Il « pense ». Mieux vaut gueuler et déconner plus fort qu’eux, au moins ça les déconcerte. A qui téléphonent-ils, la nuit de préférence ? Dieu seul le sait. Ca peut durer des heures. Il arrive parfois qu’ils daignent me laisser joindre ma secrétaire. Elle est au bureau, à Paris, ayant pris ses vacances en juillet. Elle me raconte une histoire paradisiaque de calme plat, sans techno, sans ados, et sans coups de freins ou de fil à point d’heure. La paix dont elle jouit est un privilège que je lui envierais si ce boxon n’était somme toute le miroir le moins infidèle de l’idée du bonheur. Dans quinze jours, ils auront décampé tous les quatre. Leur mère, leur père, leur chien et leur chat apprécieront un temps le retour du silence. La reprise du travail équivaudra à un repos bien mérité. Puis nous découvriront que sans eux, la maison est triste comme la mort.

    DENIS TILLINAC (Ce qui reste des jours)

     

     

     

     


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