• Un poète venu des îles…

     

     

     

     

     

     

     

     

    Poème

    Le manchy

     

    Sous un nuage frais de claire mousseline

    Tous les dimanches au matin,

    Tu venais à la ville en *manchy de rotin,

    Par les rampes de la colline.

     

    La cloche de l’église alertement tintait ;

    Le vent de la mer berçait les cannes ;

    Comme une grêle d’or, aux pointes des savanes,

    Le feu du soleil crépitait.

     

    Le bracelet aux poings, l’anneau sur la cheville,

    Et le mouchoir jaune aux chignons,

    Deux *Télingas portaient, assidus compagnons,

    Ton lit aux nattes de Manille.

     

    Ployant leur jarret maigre et nerveux, et chantant,

    Souples dans leurs tuniques blanches,

    Le bambou sur l’épaule et les mains sur les hanches,

    Ils allaient le long de l’Etang.

     

    Le long de la chaussée et des *varangues basses

    Où les vieux créoles fumaient,

    Par les groupes joyeux des Noirs, ils s’animaient

    Au bruit des *bobres *madécasses.

     

    Dans l’air léger flottait l’odeur des tamarins ;

    Sur les houles illuminées,

    Au large, les oiseaux, en d’immenses traînées,

    Plongeaient dans les brouillards marins.

     

    Et tandis que ton pied, sorti de la babouche,

    Pendait, rose, au bord du *manchy,

    A l’ombre des bois-noirs touffus et du letchi,

    Aux fruits moins pourprés que ta bouche ;

     

    Tandis qu’un papillon, les deux ailes en fleur,

    Teinté d’azur et d’écarlate,

    Se posait par instants sur ta peau délicate,

    En y laissant de sa couleur ;

     

    On voyait au travers du rideau de batiste,

    Tes boucles dorer l’oreiller,

    Et, sous les cils mi-clos, feignant de sommeiller,

    Tes beaux yeux de sombre améthyste.

     

    Tu t’en venais ainsi, par ces matins si doux,

    De la montagne à la grand’messe,

    Dans la grâce naïve et ta rose jeunesse,

    Au pas rythmé de tes hindous.

     

    Maintenant, dans le sable aride de nos grèves,

    Sous les chiendents, au bruit des mers,

    Tu reposes parmi les morts qui me sont chers,

    O charme de mes premiers rêves !

     

    Leconte de Lisle (1818-1894)

    (extrait du recueil des « Poèmes Barbares »)

     

    *Le manchy est un palanquin d’origine asiatique.

    *Le bobre, est un instrument de musique africaine.

    *Les chansons madécasses, forment un recueil de poèmes en prose, publié par Evariste Parny en 1887.

    *Les chansons madécasses sont une œuvre du compositeur Maurice Ravel, inspiré du recueil.

    *Les tamarins sont les fruits du tamarinier, employés en cuisine, goût sucré et acidulé. On en trouve aussi aux Antilles.

    *Les Télingas sont des hindous.

    *La varangue est une terrasse couverte, appelée aux Antilles : galerie.

     

    Leconte de Lisle, est natif de l’Ile Bourbon (aujourd’hui la Réunion)

     

    Je ne connaissais pas ce poème de Leconte de Lisle, il m’a littéralement envoûté, j’ai humé le parfum des tamariniers, j’ai entendu les vagues sur les côtes… Un émouvant poème !

    Liviaaugustae

     


  • Commentaires

    1
    Mardi 4 Février 2014 à 07:23

    ça devait quand même être inconfortable ......et lourd pour les porteurs.....douce journée à toi

    2
    Mardi 4 Février 2014 à 10:36

    Bonjour Aude,

    Comme toi j'ai aimé ce magnifique poème tout plein de chaleur, et d'amour éperdu...

    Petite en Guadeloupe, j'aimais aussi manger les fruits des tamariniers, maintenant, je ne sais si j'aimerai encore, c'est assez acidulé et je grinçais des dents.

    Bonne journée Aude

    3
    Mardi 4 Février 2014 à 10:38

    Bonjour Moqueplet,

    C'était sûrement très lourd pour les porteurs, mais je crois que cela devait être confortable, sinon, personne ne s'en serait servi...douce journée à toi aussi

    4
    Mercredi 5 Février 2014 à 07:34

    passe une agréable journée espérant un peu de soleil....

    5
    Mercredi 5 Février 2014 à 15:54

    Bonjour Moqueplet,

    Un douce journée à toi aussi, chez nous c'est un coup soleil, un coup pluie avec de grosses rafales...

    6
    Vendredi 14 Février 2014 à 20:16

    Je le trouve très beau moi aussi. il donne envie de remplacer l'héroïne et se laisser balancer par les porteurs. Bisous

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