• Une bouffée de baouco...

     

     

     

     

    Des Saisons et des Jours

     

     

    Oliveraie en Ombrie

    (Image wikipédia)

     

    Les terrasses de Vala…

     

    Les terrasses de ce Vala étaient couvertes d’oliviers à quatre ou cinq troncs, plantés en rond. Ils se penchaient un peu en arrière pour avoir la place d »épanouir leurs feuillages qui formaient un seul bouquet. Il y avait aussi des amandiers d’un vert tendre, et des abricotiers luisants.

    Je ne savais pas les noms de ces arbres, mais je les aimais aussitôt.

    Entre eux, la terre était inculte, et couverte d’une herbe jaune et brune dont le paysan nous apprit que c’était de la « baouco ». On aurait dit du foin séché, mais c’est là son teint naturel. Au printemps, pour participer à l’allégresse générale, elle fait un effort et verdit faiblement.  Mais malgré cette pauvre mine, elle est vivace et vigoureuse, comme toutes les plantes qui ne servent à rien.

    C’est là que je vis pour la première fois des touffes d’un vert sombre qui émergeaient de cette « baouco »  et qui figuraient des oliviers en miniature. Je quittai le chemin, je courus toucher leurs petites feuilles. Un parfum puissant s’éleva comme un nuage, et m’enveloppa tout entier.

    C’était une odeur inconnue, une odeur sombre et soutenue, qui s’épanouit dans ma tête et pénétra jusqu’à mon cœur.

    C’était le thym, qui pousse au gravier des garrigues : ces quelques plantes étaient descendues à ma rencontre, pour annoncer au petit écolier le parfum futur de Virgile.

    J’en arrachai quelques brindilles, et je rejoignis la charrette en les tenant sous mes narines.

    -      Qu’est-ce que c’est ? dit ma mère.

    Elle les prit, les respira profondément :

    -      C’est du thym frais, dit-elle. On fera des civets merveilleux.

    -      Du thym ? dit François avec un certain mépris. Il vaut bien mieux le pèbre d’aï…

    -      Qu’est-ce que c’est ?

    -      C’est comme une espèce de thym, et en même temps c’est une espèce de menthe. Mais çà ne peut pas se dire : je vous en ferai voir !

    Il parla ensuite de la marjolaine, du romarin, de la sauge, du fenouil. Il fallait en « bourrer le ventre de la  « lièvre », ou bien « le hacher finfinfin », avec « un gros bout de lard gras ».

    Ma mère écoutait très intéressée. Moi, je flairais les brindilles sacrées, et j’avais honte.

    Le chemin montait toujours, franchissant de temps à autre un petit plateau. En regardant en arrière, on voyait la longue vallée de l’Huveaune, sous une traînée vaporeuse, qui allait jusqu’à la mer brillante.

    Marcel Pagnol

    Extrait de : La Gloire de mon père.

     

    Puisque l’hiver s’est installé en catimini, je vous offre une bouffée de « baouco », pour humer l’été avec Pagnol !

    Liviaaugustae


  • Commentaires

    1
    Vendredi 11 Octobre 2013 à 14:33

    Quel plaisir de retrouver Pagnol ! Le village de La Treille, le Garlaban... Il y a bien des années, nous avions fait "le pèlerinage" dans ce pays des collines qui lui était si cher. Tu as raison : Pagnol, c'est du Soleil !

    Mes amitiés

    Alain

    2
    Vendredi 11 Octobre 2013 à 18:50

    Bonsoir ag 86,

    J'adore Pagnol, il sait si bien raconter, que j'avais l'impression que c'était moi qui cueillais le "baouco"!

    Mes amitiés

    Livia

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