Dorothée Gilbert
Danseuse
étoile de l’Opéra National de Paris.
On
distingue habituellement l’essentiel de l’accessoire.
Mais
en matière d’habillement, l’accessoire pourrait bien être l’essentiel. C’est le sentiment que l’on a en visitant certains Musées archéologiques : de ces civilisations perdues, que
reste-t-il sinon des accessoires ? Fibules, torques, anneaux, broches, ceintures, couronnes, tous les objets qui ornaient ces beautés immémoriales ont survécu aux corps qui passent, aux
étoffes qui se défont. Si le corps d’une femme était une phrase, les accessoires en seraient les virgules : essentielles à la ponctuation, faisant respirer les mots. Pour un petit garçon,
les accessoires sont souvent le secret mystérieux de sa mère. Dans des boîtes à bijoux, il voit scintiller des bagues, des agrafes, des colliers. Ces objets prennent forme lorsqu’ils sont
portés, comme un parfum incarné, un dessin vivant. Pour ne pas parler des sacs à main, qui sont le labyrinthe portable de toute femme élégante et intrigue passablement les hommes, ces
béotiens.
Je
confesse un goût presque fétichiste des accessoires. Le cuir d’un sac, la ligne d’un collier, les bracelets qui tintinnabulent, c’est comme une jolie pétition de liberté. Mais l’accessoire le
plus essentiel à l’allure d’une femme, ce sont à mon avis ses chaussures. Croyez-vous que les hommes ne s’en avisent pas ? Détrompez-vous, ils sont sensibles à la façon dont une démarche
s’enlève, dont un clic-clac résonne sur le pavé. La hauteur d’un talon, la courbure d’un galbe, l’ourlet d’un décolleté sur la naissance des orteils, autant de détails qui composent une grâce.
Avec le printemps revient la plus ancienne des formes, qui est celle de la sandale. Le jeu des brides et des entrecroisements, l’habillé et le dévêtu, l’attaque du bitume par la pointe, voilà
un joli programme pour les jours où luira le soleil.
En ce
moment, les candidats à la présidentielle se targuent de débattre de l’essentiel. Eh bien, pour le charme du printemps, n’oublions pas de nous en remettre à l’accessoire.
Marc
LAMBRON
Extrait
de : Le Figaro Madame.