• Musset, le poète amoureux…

     

     

     

     

     

     

    Poème

    Le pèlerinage à l’île de Cythère. Watteau (détails)

    (Musée du Louvre)

     

     

    A Ninon…

     

    Si je le disais pourtant, que je vous aime,

    Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ?

    L’amour, vous le savez, cause une peine extrême ;

    C’est un mal sans pitié que vous plaignez vous-même ;

    Peut-être cependant que vous m’en puniriez.

     

    Si je vous le disais, que six mois de silence

    Cachent de longs tourments et des vœux insensés :

    Ninon, vous êtes fine, et votre insouciance

    Se plaît, comme une fée, à deviner d’avance ;

    Vous me répondriez peut-être : je le sais.

     

    Si je vous le disais, qu’une douce folie

    A fait de moi votre ombre, et m’attache à vos pas :

    Un petit d’air de doute et de mélancolie,

    Vous le savez, Ninon, vous rend bien plus jolie ;

    Peut-être diriez-vous que vous n’y croyez pas.

     

    Si je vous le disais, que j’emporte dans l’âme

    Jusqu’aux moindres mots de nos propos du soir :

    Un regard offensé, vous le savez, madame,

    Change deux yeux d’azur en deux éclairs de flammes ;

    Vous me défendriez peut-être de vous revoir.

     

    Si je vous le disais, que chaque nuit je veille,

    Que chaque jour je pleure et je prie à genoux ;

    Ninon, quand vous riez, vous savez qu’une abeille

    Prendrait pour une fleur votre bouche vermeille ;

    Si je vous le disais, peut-être en ririez-vous.

     

    Mais vous n’en saurez rien. – Je viens, sans rien en dire,

    M’asseoir sous votre lampe et causer avec vous ;

    Votre voix, je l’entends ; votre air, je le respire ;

    Et vous pouvez douter, deviner et sourire,

    Vos yeux ne verront pas de quoi m’être moins doux.

     

    Je récolte en secret des fleurs mystérieuses :

    Le soir, derrière vous, j’écoute au piano

    Chanter sur le clavier vos mains harmonieuses,

    Et, dans les tourbillons de vos valses joyeuses,

    Je vous sens, dans mes bras, plier comme un roseau.

     

    La nuit, quand de si loin le monde nous sépare,

    Quand je rentre chez moi pour tirer mes verrous,

    De mille souvenirs en jaloux je m’empare ;

    Et là seul devant Dieu, plein d’une joie avare,

    J’ouvre, comme un trésor, mon cœur tout plein de vous.

     

    J’aime, et je sais répondre avec indifférence ;

    J’aime, et rien ne le dit ; j’aime, et seul je le sais ;

    Et mon secret m’est cher, et chère ma souffrance ;

    Et j’ai fais le serment d’aimer sans espérance,

    Mais non pas sans bonheur ; -je vous vois, c’est assez.

     

    Non, je n’étais pas né pour ce bonheur suprême,

    De mourir dans vos bras et de vivre à vos pieds.

    Tout me le prouve, hélas ! jusqu’à ma douleur même…

    Si je vous le disais pourtant, que je vous aime,

    Qui sait, brune aux yeux bleus, ce que vous en diriez ?

    Alfred de Musset.

     

     

    Ce poème, Musset l’avait-il dédié à Georges Sand, avec qui il eut une liaison tumultueuse, ou à quelque autre femme ?

    Sa vie amoureuse fut très remplie.

    Ecoutez jean Piat réciter ce poème, avec le lien ci-dessous :

    http://www.youtube.com/watch?v=RhXY0d2Kkpw

    C’est un régal, bonne dégustation…

    Liviaaugustae


  • Commentaires

    1
    Jeudi 30 Janvier 2014 à 07:06

    décidément la vie tumultueuses de ces grands personnages était bien active.....ah les coquins.......passe une bien belle journée

    2
    Jeudi 30 Janvier 2014 à 11:54

    Bonjour Moqueplet,

    Mais il était un géant en poésie...passe une bonne journée

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