• Paysage d'Irlande...

     

     

     

    Littérature

     

     

    Ross Castle, l’un des nombreux châteaux forts du XIVe ou du XVe siècle, dont les ruines contribuent au pittoresque des abords des lacs. 

     

    Killarney et ses lacs…

     

    Killarney est célèbre par son lac, ou mieux pour ses lacs, car il y en a trois : le Lower Lake, qui est le plus considérable, et qu’un mince détroit sépare du second, le Muckross Lake. Un long chenal conduit de ce dernier au lac supérieur, le Upper Lake, semé d’îles. La vaste étendue de ces belles eaux, la variété des sites qui les environnent, les légendes qui l’enveloppent comme d’une vapeur romantique les rochers, les cascades et les bruyères, autant de cataractes qui font de la promenade à Killarney un des attraits du voyage en Irlande, attrait maintes fois tourné en déceptions. Car le ciel capricieux de cet entonnoir de montagnes se brouille durant des semaines, et c’est alors, sur la nappe du lac, toute brune, la pesée lourde des nuages qui s’effilochent aux pointes des arbres. C’est des sautes de vents qui frangent d’écume les vagues noirâtres. C’est la pluie encore, fine et continue, qui donne à ce lac, moucheté d’innombrables gouttelettes, l’aspect fantastique d’un parquet mouvant de point de Hongrie. Et c’est surtout la perspective cruelle du journal de seize pages désespérément feuilleté dans la salle commune d’un hôtel, traversée par des tribus d’anglais et d’anglaises d’une dignité impeccable. Toutes tortures qui parfois, et ce fut mon cas, ne durent qu’une journée. Leur souvenir rend plus aimable encore le vagabondage, à force de rames, sous le ciel nettoyé de son brouillard, et sur l’eau, rendue à sa franche couleur naturelle d’un noir frais et souple qui se transforme en bleu vaporisé vers l’horizon.

    La barque glisse donc sur une des baies du Lower Lake. L’abondance des îlots est une des originalités de ce lac. Beaucoup sont des rochers sur lesquelles une touffe de bruyères allume un incendie rose. D’autres comme Innisfallen, sont des oasis immobiles d’une verdure presque surnaturelle, tant elle est opulente, […]

    Elle est d’une impression étrange en effet, au soir tombant, cette Innisfallen plantée de frênes aux feuilles tremblantes et de houx aux feuilles lustrées. Sur l’herbe épaisse qui grandit parmi les pierres, ruines d’un cloître, l’imagination évoque le tournoiement des pâles fées au clair de lune, et dans les clochettes tachetées de rouges digitales s’abrite sans doute un peuple de farfadets nocturnes qui dorment le jour, tandis que les brebis broutent cette herbe, et que les visiteurs troublent du bruit de leurs pas le silence enchanté de l’île.

    Le cap étroit qui la termine résonne à peine du clapotis des houles menues. Un if, battu des vents, a grandi  sur cette pointe, et la ligne des montagnes qui entourent le lac se teinte en violet dans la clarté adoucie qui agrandit encore l’ombre des grands arbres.

    Paul Bourget (1910)


  • Commentaires

    1
    Samedi 12 Octobre 2013 à 10:05
    rouergat.

    Bonjour Livia

    Heureux de lire ce beau texte de Paul Bourget. La photo du château est un magnifique sujet pour un tableau !

    2
    Samedi 12 Octobre 2013 à 11:37

    Bonjour rouergat

    En effet j'aime beaucoup l'Irlande, pays de fées de farfadets et de légendes, comme la Bretagne d'ailleurs!

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