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Par Liviaaugustae le 24 Février 2011 à 00:37
Frontispice gravé par C.N. Cochin d’après OUDRY
Pour les fables de Lafontaine (1755-1759)
LE HERON
Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où,
Le Héron au long bec emmanché d’un long cou.
Il côtoyait une rivière.
L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours ;
Ma commère la carpe y faisait mille tours
Avec le brochet son compère.
Le Héron en eût fait aisément son profit :
Tous approchaient du bord, l’oiseau n’avait qu’à prendre ;
Mais il crut mieux faire d’attendre
Qu’il eût un peu plus d’appétit.
Il vivait de régime, et mangeait à ses heures.
Après quelques moments l’appétit vint : l’oiseau
S’approchant du bord vit sur l’eau
Des tanches qui sortaient du fond de ces demeures.
Le met ne lui plus pas ; il s’attendait à mieux
Comme le rat du bon Horace.
Moi des tanches ? dit-il, moi Héron que je fasse
Une si pauvre chère ? Et pour qui me prend-on ?
La tanche rebutée il trouva du goujon.
Du goujon ! c’est bien là le dîner d’un Héron !
J’ouvrirais pour si peu le bec ! aux Dieux ne plaise !
Il l’ouvrit pour bien moins : tout alla de façon
Qu’il ne vit plus aucun poisson.
La faim le prit, il fut tout heureux et tout aise
De rencontrer un limaçon.
Ne soyons pas si difficiles :
Les plus accommodants ce sont les plus habiles :
On hasarde de perdre en voulant trop gagner.
Gardez-vous de rien dédaigner ;
Surtout quand vous avez à peu près votre compte.
Bien des gens y sont pris ; ce n’est pas aux Hérons
Que je parle ; écoutez, humains un autre conte ;
Vous verrez que chez vous j’ai puisé ces leçons.
LA FILLE.
Certaine fille un peu fière
Prétendait trouver un mari
Jeune, bien fait et beau, d’agréable manière,
Point froid et point jaloux ; notez ces deux point-ci.
Cette fille voulait aussi
Qu’il eût du bien, de la naissance,
De l’esprit, enfin tout. Mais qui peut tout avoir ?
Le destin se montra soigneux de la pourvoir :
Il vint des partis d’importance.
La belle les trouva trop chétifs de moitié.
Quoi moi ? quoi ces gens-là ? l’on radote je pense.
A moi les proposer ! hélas ils font pitié.
Voyez un peu la belle espèce !
L’un n’avait en l’esprit nulle délicatesse ;
L’autre avait le nez fait de cette façon-là ;
C’était ceci, c’était cela,
C’était tout ; car les précieuses
Font dessus tous les dédaigneuses.
Après les bons partis, les médiocres gens
Vinrent se mettre sur les rangs.
Elle de se moquer. Ah vraiment je suis bonne
De leur ouvrir ma porte : Ils pensent que je suis
Fort en peine pour ma personne.
Grâce à Dieu, je passe les nuits
Sans chagrins, quoique en solitude.
La belle se sut gré de tous ces sentiments.
L’âge la fit déchoir : adieu tous les amants.
Un an se passe et deux avec inquiétude.
Le chagrin vient ensuite : elle sent chaque jour
Déloger quelque ris, quelque jeux, puis l’amour ;
Puis ses traits choquer et déplaire ;
Puis cent sortes de fards. Ses soins ne purent faire
Qu’elle échappât au temps cet insigne larron :
Les ruines d’une maison
Se peuvent réparer ; que n’est cet avantage
Pour les ruines du visage !
Sa préciosité changea lors de langage.
Son miroir lui disait : Prenez vite un mari.
Je ne sais quel désir le lui dit aussi ;
Celle-ci fit un choix qu’on aurait jamais cru,
Se trouvant à la fin tout aise et tout heureuse
De rencontrer un malotru.
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Par Liviaaugustae le 16 Février 2011 à 15:34
FABLE DE LAFONTAINE.
Frontispice gravé par C.N. Cochin d’après OUDRY
Pour les fables de Lafontaine (1755-1759)
LE CHAT ET LES DEUX MOINEAUX
(A Monseigneur le Duc de Bourgogne)
Un chat contemporain d’un fort jeune moineau
Fut logé près de lui dès l’âge du berceau ;
La Cage et le Panier avaient mêmes Pénates.
Le Chat était souvent agacé par l’Oiseau :
L’un s’escrimait du bec, l’autre jouait des pattes.
Ce dernier toutefois épargnait son ami.
Ne le corrigeant qu’à demi
Il se fût un grand scrupule
D’armer de pointes sa férule.
Le Passereau moins circonspect,
Lui donnait force coups de bec.
En sage et discrète personne,
Maître Chat excusait ces jeux :
Entre amis, il ne faut jamais qu’on s’abandonne
Aux traits d’un courroux sérieux.
Comme ils se connaissaient tous deux dès leur bas âge,
Une longue habitude en paix les maintenait ;
Jamais en vrai combat le jeu ne se tournait ;
Quand un moineau du voisinage
S’en vint les visiter, et se fit compagnon
Du pétulant Pierrot et du sage Raton.
Entre les deux oiseaux il arriva une querelle ;
Et Raton de prendre parti.
Cet inconnu, dit-il, nous la vient donner belle
D’insulter ainsi notre ami !
Le Moineau du voisin viendra manger le nôtre ?
Non, de par tous les Chats ! Entrant lors du combat,
Il croque l’étranger. Vraiment, dit maître Chat,
Les Moineaux ont un goût exquis et délicat !
Cette réflexion fit aussi croquer l’autre.
Quelle Morale puis-je inférer de ce fait ?
Sans cela toute Fable est un œuvre imparfait.
J’en crois voir quelques traits ; mais leur ombre m’abuse,
Prince, vous les aurez incontinent trouvés :
Ce sont des jeux pour vous, et non point pour ma Muse ;
Elle et ses sœurs n’ont pas l’esprit que vous avez.
LOUIS de FRANCE : Duc de Bourgogne Dauphin.
Par Joseph VIVIEN 1700 (Musée du Louvre)
Marie-Adélaïde de Savoie Duchesse de Bourgogne Dauphine.
Par Jean-Baptiste SANTERRE 1711 (Château de Versailles)
LOUIS XV âgé de cinq ans.
Par Hyacinthe RIGAUD 1715 (Château de Versailles)
Le duc de Bourgogne devient Dauphin à la mort de son père, Monseigneur. Il épouse la Dauphine en décembre 1697, en vertu de la paix séparée conclue à Turin l’année précédente. C’est un mariage arrangé, mais ils tombent amoureux l’un de l’autre. Ils auront deux enfants : le petit duc de Bretagne, qui mourra à la suite de ses parents en 1712 d’une rougeole, heureusement la gouvernante, Mme de Ventadour, va sauver la descendance royale de Louis XIV, en arrachant des mains des médecins ignorants, le survivant de deux ans : le duc D’Anjou, futur Louis XV. Qui devient roi à l’âge de cinq ans.
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Par Liviaaugustae le 2 Février 2011 à 00:16
Frontispice gravé par C.N. Cochin d’après OUDRY
Pour les fables de Lafontaine (1755-1759)
L’ELEPHANT ET LE SINGE DE JUPITER.
Autrefois l’Eléphant et le Rhinocéros,
En dispute du pas et des droits de l’Empire,
Voulurent terminer la querelle en champ clos.
Le jour en était pris, quand quelqu’un vint leur dire
Que le singe de Jupiter,
Portant un caducée, avait paru dans l’air.
Ce singe avait nom Gille, à ce que l’histoire.
Aussitôt l’Eléphant de croire
Qu’en qualité d’Ambassadeur
Il venait trouver sa grandeur.
Tout fier de ce sujet de gloire,
Il attend maître Gille, et le trouve un peu lent
A lui présenter sa créance.
Maître Gille enfin, en passant,
Va saluer son Excellence.
L’autre était préparé sur la légation ;
Mais pas un mot : l’attention
Qu’il croyait que les Dieux eussent à sa querelle
N’agitait pas encor chez eux cette nouvelle.
Qu’importe à ceux du Firmament
Qu’on soit Mouche ou bien Eléphant ?
Il se vit donc réduit à commencer lui-même :
Mon cousin Jupiter, dit-il, verra dans peu
Un assez beau combat, de son Trône suprême.
Toute sa cour verra beau jeu.
Quel combat ? dit le singe avec un front sévère.
L’Eléphant repartit : Quoi ! vous ne savez pas
Que le Rhinocéros me dispute le pas ;
Qu’Eléphantide a guerre avec Rhinocéros ?
Vous connaissez ces lieux, ils ont quelque renom.
Vraiment je suis ravi d’en apprendre le nom,
Repartit Maître Gille : on ne s’entretient guère
De semblables sujets dans nos vastes lambris.
L’Eléphant, honteux et surpris,
Lui dit : Et parmi nous que venez-vous donc faire ?
Partager un brin d’herbe entre quelques Fourmis :
Nous avons soin de tout. Et quand à votre affaire,
On n’en dit rien encor dans le conseil des Dieux :
Les petits et les grands sont égaux à leurs yeux.
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Par Liviaaugustae le 25 Janvier 2011 à 20:15
Frontispice gravé par C.N. Cochin d’après OUDRY
Pour les fables de Lafontaine (1755-1759)
JUPITER ET LES TONNERRES.
Jupiter voyant nos fautes,
Dit un jour du haut des airs :
Remplissons de nouveaux hôtes
Les cantons de l’Univers
Habités par cette race
Qui m’importune et me lasse.
Va-t-en, Mercure, aux enfers :
Amène-moi la furie
La plus cruelle des trois.
Race que j’ai trop chérie,
Tu périras cette fois.
Jupiter ne tarda guère
A modérer son transport.
O vous Rois qu’il voulut faire
Arbitres de notre sort,
Laissez entrer la colère
Et l’orage qui la suit
L’intervalle d’une nuit.
Le Dieu dont l’aile est légère,
Et la langue a des douceurs,
Alla voir les noires Sœurs.
A Tisiphone et Mégère
Il préféra, ce dit-on,
L’impitoyable Alecton.
Ce choix la rendit si fière,
Qu’elle jura par Pluton
Que toute l’engeance humaine
Serait bientôt du domaine
Des déités de là-bas.
Jupiter n’approuva pas
Le serment de l’Euménide.
Il la renvoie, et pourtant
Il lance un foudre à l’instant
Sur certain peuple perfide.
Le tonnerre ayant pour guide
Le père même de ceux
Qu’il menaçait de ses feux,
Se contenta de leur crainte ;
Il n’embrasa que l’enceinte
D’un désert inhabité.
Tout père frappe à côté.
Qu’arriva-t-il ? Notre engeance
Prit pied sur cette indulgence.
Tout l’Olympe s’en plaignit ;
Et l’assembleur de nuages
Jura le Styx, et promit
De former d’autres orages ;
Ils seraient sûrs. On sourit :
On lui dit qu’il était père,
Et qu’il laissât pour le mieux
A quelqu’un des autres Dieux.
D’autres tonnerres à faire.
Vulcain entreprit l’affaire.
Ce Dieu remplit ses fourneaux
De deux sortes de carreaux.
L’un jamais ne se fourvoie,
Et c’est celui que toujours
L’Olympe en corps nous envoie.
L’autre s’écarte en son cours ;
Ce n’est qu’aux monts qu’il en coûte ;
Bien souvent même s’il perd,
Et ce dernier en sa route
Nous vient du seul Jupiter.
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Par Liviaaugustae le 16 Janvier 2011 à 15:52
Frontispice gravé par C.N. Cochin d’après OUDRY
Pour les fables de Lafontaine (1755-1759)
JUPITER ET LE PASSAGER.
O combien le péril enrichirait les Dieux,
Si nous nous souvenions des vœux qu’il nous fait faire !
Mais, le péril passé, l’on ne se souvient guère
De ce qu’on a promis aux Cieux :
On compte seulement ce qu’on doit à la terre.
Jupiter, dit l’impie, est un bon créancier :
Il ne se sert jamais d’huissier.
Eh ! qu’est-ce donc que le tonnerre ?
Comment appelez-vous ces avertissements ?
Un Passager, pendant l’orage,
Avait voué cent bœufs au vainqueur des Titans.
Il n’en avait pas un : vouer cent éléphants
N’aurait pas coûté d’avantage.
Il brûla quelques os quand il fut au rivage.
Au nez de Jupiter la fumée en monta.
Sire Jupin, dit-il, prends mon vœu ; le voilà :
C’est un parfum de bœuf que ta grandeur respire.
La fumée est ta part : je ne te dois plus rien.
Jupiter fit semblant de rire ;
Mais en quelques jours le Dieu le rattrapa bien,
Envoyant en songe lui dire
Qu’un tel trèsor était en tel lieu. L’homme au vœu
Courut au trésor comme au feu :
Il trouva des voleurs, et n’ayant dans sa bourse
Qu’un écu pour toute ressource,
Il leur promit cent talents d’or,
Bien comptés, et d’un tel trésor :
On l’avait enterré dedans telle bourgade.
L’endroit paru suspect aux voleurs, de façon
Qu’à notre prometteur l’un dit : Mon camarade,
Tu te moques de nous, meurs, et va chez Pluton
Porter tes cent talents en don.
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