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    La mort de saint Joseph

     

    Rutilio Manetti

     

     

     

    C'est le XVIIe siècle, après le Concile de Trente, qui fait de saint Joseph le patron de la bonne mort. Car il eut très probablement, bien que ce ne soit pas dit dans les évangiles, la grâce unique de mourir entre Jésus et Marie. Les peintres commencent alors à représenter la scène : Nicolas Mignard à Avignon, des peintres locaux dans les églises de Corse, Jacques Stella à Paris en 1655. Les romains aussi, comme l'atteste le splendide tableaux de Carlo Maratta exposé au Musée de Vienne.

     

    Manetti a peint vers 1632 ce tableau peu connu mais superbe. Joseph, mourant, est couché dans un lit. Il est livide et vêtu d'une tunique couleur de cendre, qui signifie qu'il est près de quitter cette terre : « Souviens-toi, homme, que tu es poussière... » il s'entretient affectueusement avec Jésus assis tout contre lui, qui lui tient la main,l'écoute et lui parle avec tendresse.

     

    A genoux au pied du lit, face au mourant, Marie est plongée dans la douleur, mais reconnaissante à Dieu et à Joseph pour le chemin parcouru ensemble. Elle est vêtue d'un manteau d'un bleu pâle, couleur inhabituelle à cette époque où on la représente plutôt avec un voile bleu lapis intense. Ce tableau original est d'une grande vivacité chromatique. Une lumière crue souligne les lourds vêtements creusés d'ombres, et marqués d'abondants plis cassés et complexes.

     

    Jésus est montré comme vrai Dieu et vrai homme. Comme l'indique les couleurs de son vêtement : le manteau bleu, couleur de son humanité, glisse et laisse la place au rouge de sa tunique, couleur de sa divinité. Dieu s'est fait homme, le Verbe éternel est venu dans notre monde, et va se révéler aux noces de Cana. Sa tête est entourée d'un nimbe lumineux, alors que Joseph arbore seulement une auréole comme un cercle fin. Curieusement, Marie est la seule à ne pas avoir d'auréole.

     

    Dans le ciel qui s'entrouvre, deux angelots et quatre chérubins vont introduire Joseph au Paradis. A gauche, deux grands anges ont, eux, les pieds sur le sol. Il s'agit de l'archange Michel, coiffé d'un casque et portant une cuirasse, qui tient une balance, symbole du Jugement Dernier où il pèsera toutes les âmes. Il parle à l'ange gardien de Joseph.

     

    Enigmes :

     

    Le Seigneur serait âgé de 25 à 30 ans. Les théologiens se sont longtemps demandés quand Joseph était mort, puisque après le Recouvrement au Temple il n'est plus question de lui. Trois opinions apparaissent. Il serait mort juste après cette épisode, ou bien au contraire après la Résurrection du Christ. Ces hypothèse sont invraisemblables pour la première, Marie et le jeune Jésus seraient alors restés sans ressources, et impossible pour la seconde : si Joseph avait été en vie, Jésus en croix n'aurait pas confié sa Mère à Jean. Saint Jérôme pense qu'il est mort avant le début de la vie publique du Christ, puisqu'il aurait sinon été présent aux noces de Cana. C'est pourquoi les peintres représentent Jésus comme un jeune homme devant le lit de mort de Joseph.

     

    Quel âge avait-il quand il a épousé Marie ? On a longtemps cru qu'il était veuf et âgé. Cette théorie à été écartée par le Concile de Trente en 1563, qui a même interdit aux artistes catholiques de le représenter chenu. On pense raisonnablement qu'il avait environ 18 ans au moment du mariage, selon la coutume des juifs. Notre peintre n'a pas respecté cette recommandation et s'en est tenu à la tradition d'un Joseph âgé.

     

    Marie-Gabrielle Leblanc

     

     

    Mon blog sera en pause quelques jours pour de petites vacances en famille.

     

     

     

    Au programme : doudous, bisous et câlinous...

     

     

     


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    Mercredi 14 Février, mercredi des Cendres, le Carême a commencé pour nous chrétiens.

     

    Nous laisserons-nous tenter par ce diable qui cherche par tous les moyens à nous entraîner avec lui dans ses turpitudes ?

     

    S'il a osé tenter le Fils de Dieu, il ne se prive par avec les hommes qui le suivent le plus souvent !

     

    Livia

     

     

    Les Trois tentations du Christ, cathédrale de Plaisance (Italie)

     

     

     

    Les trois tentations du Christ sont une partie du bandeau sculpté dans le marbre rose de Vérone, au début du XIIe siècle, sur la façade de la cathédrale de Plaisance (Piacenza), en Emilie Italie du Nord. Ce linteau décrit plusieurs épisodes de la vie du Christ.

     

    L'artiste roman a suivi les évangiles de Mathieu et Luc où sont racontées les tentations. « Alors Jésus fut conduit au désert par l'Esprit, pour être tenté par le diable. Il jeûna 40 jours et 40 nuits. » (Mathieu)

     

    Les trois tentations sont figurées sous un petit arc roman en plein cintre, séparées les unes des autres.

     

     

    1er tentation

     

    Première tentation, à gauche. Jésus, juste après son baptême et avant le début de sa vie publique, vient de jeûner 40 jours dans le désert, en mémoire de quoi les chrétiens sont invités à jeûner et prier pendant le Carême. Le diable est hideux à souhait, mais tellement grotesque et dodu qu'il n'est pas très effrayant. Le sculpteur veut montrer qu'il ne faut pas craindre Satan, que Dieu est vainqueur du mal. Jésus a faim. Le tentateur en profite pour lui suggérer de changer les pierres en pains, tentation du matérialisme. Le geste vulgaire du diable qui se frotte l'estomac, est sans équivoque. Il contraste avec la solennité du Christ qui tient un évangile et donne clairement sa réponse. La parole de Dieu est mise en avant, car Jésus est Lui-même est le Verbe de Dieu. « L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toutes paroles qui sort de la bouche de Dieu. »

     

     

    2er tentation

     

    Au centre, le diable a emmené Jésus au sommet du Temple, figuré comme une église byzantine. Il lui suggère de se jeter en bas et d'ordonner aux anges de le porter pour convertir ceux qui verront ce miracle : tentation de forcer la liberté de croire, de mettre Dieu en demeure de faire un miracle, de rechercher systématiquement les prodiges, non par dévotion sincère, mais par amour du sensationnel et du spectaculaire. Le visage de Jésus est plus grave. Il congédie le diable qui tourne les talons en lui montrant les dents. « Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu. » Là aussi, le Christ tient un évangile, même si il est moins mis en évidence que dans la première scène.

     

     

    3er tentation

     

    A droite, sur la montagne, le visage de Jésus devient encore plus sévère et même terrible, car Satan lui a proposé de l'adorer, lui promettant toute la terre en retour : tentation de l'idolâtrie et de l'accumulation des biens matériels, tentation du pouvoir pour le pouvoir. « retires toi Satan ! C'est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras. » Il est gravé en latin au-dessus des scènes : « Dieu est tenté trois fois par l'art de la ruse. »

     

    Marie-Gabrielle Leblanc

     

     

     

     

     

     


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    Polyptyque de la Mère de Dieu Monastère de Sixena

     

    Retable sur bois, Jaume et Pere Serra

     

     

     

     

    C'était un prieuré féminin de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem (Ordre de Malte).

     

    Au centre, la Vierge à l'Enfant, couronnée, trône entre sainte Catherine d'Alexandrie, à gauche, avec une couronne et la palme du martyr, et une sainte en rouge à droite, présentée par le Musée de Barcelone, comme Marie-Madeleine, mais cela peut-être discuté : Certes, la sainte tient un pot d'aromates, mais sa couronne et son voile ne correspondent pas à l'iconographie traditionnelle de Marie-Madeleine.

     

    Le donateur agenouillé à leur pieds est Fra Fontaner de Glera, commandeur du monastère à partir de 1363, et donateur du retable, un homme dans la cinquantaine ou la soixantaine. Sur son manteau noire à croix blanche, est inscrit : Fra Fontaner de Glera commandor de sixena.

     

    Le polyptyque à pour sujet les sept joies de la Vierge, thème un peu oublié de nos jours et qui fait écho au sept douleurs de Notre-Dame, fêtée le 4 septembre. Un polyptyque est, au Moyen-âge, un retable ou tableau d'autel comportant de nombreux panneaux. De haut en bas, à gauche, nous voyons l'Annonciation et l'Adoration des bergers, l'Adoration des Mages et le Présentation au Temple, le Recouvrement au Temple et le Baptême du Christ. A droite : La Résurrection ( sous une forme rare montrant le Christ sortant du tombeau sous les yeux de sa Mère), l'Ascension, avec Pierre, André et Jean, ainsi que Paul autour de la Vierge, la Pentecôte, avec la Vierge au centre des apôtres et plus grande qu'eux, la seconde Annonciation (de sa mort imminente par l'archange Gabriel apportant une palme dorée), la mort de la Vierge au milieu des apôtres (on ne dit pas la dormition dans l'art Occidental) avec le Christ qui vient chercher son âme, enfin, le couronnement de Marie par le Christ. L'Assomption n'est pas représentée car ce thème est encore rare au XIVe siècle.

     

    En haut, dans le gâble, la Crucifixion domine le retable. Le gâble est le fronton de forme pointu de l'architecture gothique. En bas, la prédelle représente quatre miracles eucharistiques, entourant la Cène. Toujours en bas du retable, elle représente en plus petit des épisodes de la vie d'un saint, ou des scène expliquant le panneau principal.

     

    Marie- Gabrielle Leblanc

     


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    Le 2 février dernier c'était la Présentation de Jésus au Temple

     

     

    Les sept joies de Marie...

     

    Triptyque les sept joies de Marie

     

     

     

    Cette Présentation au Temple est un détail du panneau central du triptyque des sept joies de Marie, peint vers 1480 par le Maître de la Sainte Parenté, pour un monastère de bénédictines à Cologne.

     

    Ce peintre a donné ici l'une des versions les plus gaies et charmantes de cette épisode de la vie du Christ. Agenouillée devant un autel, Marie présente deux petites tourterelles à Syméon, que le peintre a assimilé à par son vêtement au grand prêtre. Joseph, qui vient de prendre une pièce de monnaie dans son aumônière, est âgé, comme toujours au Moyen-Âge. Le vêtement de Syméon mérite toute notre attention. Il porte un somptueux pluvial, ou chape, proche de celui d'un prêtre catholique. On y voit l'influence de la peinture flamande, Van Eyk, Memling... qui excellaient dans ces représentations. Le manteau est en velours de Venise, rasé en creux pour former des motifs, et brodé au fil d'or dans ses creux. Sur le galon figure de nombreux saphirs, rubis, topaze... un précieux rational, broche liturgique, attache le pluvial ; il est composé d'un cristal de roche ou d'une énorme aigue-marine, encadré par deux petits rubis, dans un quadrilobe d'or. Syméon porte des gants liturgique, comme les évêque jusqu'à Vatican II.

     

    La prophétesse Anne, en voile rouge, est appuyée sur l'autel près de Marie et de Joseph. Très âgée, elle suit avec attention ce qui se déroule, selon ce qu'écrit saint Luc : « Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanouël, de la tribu d'Aser. Elle était fort avancée en âge. » Le retable et le devant d'autel en orfèvrerie ciselé représente des scènes de l'Ancien Testament qui prophétisent les évangiles. Au centre de l'autel, Moïse, dans une niche, tient les Tables de la Loi ; le meurtre d'Abel par Caïn, qui préfigure la Passion, est à gauche, et à droite une scène peu visible avec un bateau, peut-être l'arche de Noé. Le devant d'autel montre probablement Dieu parlant à Gédéon.

     

    Tout en haut, le Père Eternel apparaît, environné d'une foule d'angelots et de petits anges bleu nuit, de l'aube à la pointe des ailes, selon la tradition de l'école de Cologne.

     

    La Procession liturgique de la Chandeleur avec des cierges est joyeuse et pittoresque : hommes et femmes en costumes du XVe siècle, certains chantant une partition. Les petits enfants de chœur ouvrent la procession, grave et recueillis dans leurs surplis ou leurs vêtements aristocratiques, des cierges à la main. Celui qui est en rouge devant est certainement un prince, car les manches extraordinairement longues formant traîne leur était réservées. Un œil attentif remarque que, dans la peinture du Moyen-Âge, on voit des enfants trisomiques, bien intégrés à la communauté, jouant même parfois le rôle d'un ange. Le petit garçon en surplis blanc en tête du cortège semble être l'un d'eux. Le dallage est parsemé de feuilles de houx car cette fête est célébrée en hiver. Un petit caniche élégamment tondu les regarde ; il est le symbole de la fidélité, de la foi de l'enfance qui doit grandir toute la vie.

     

    Marie-Gabrielle Leblanc

     

    Les sept joies de Marie...

     

    Le triptyque entier...une merveille

     

     

     

     


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    La salle de théologie du monastère de Strahov, peint à fresque dans le style baroque-rococo

     

     

     

     

     

    Nous sommes dans la salle de théologie de la bibliothèque du monastère pragois de Strahov, et nous levons les yeux vers sa voûte, peinte à fresque dans le style baroque-rococo, de 1721 à 1727, par le religieux prémontré tchèque Siard Nosecky. Sa représentation des vierges folles, est un des compartiments de ce plafond.

     

     

     

    Saint Matthieu relate la parabole des vierges sages et des vierges folles racontée par Jésus. Les cinque vierges prudentes, qui avaient de l'huile dans leurs lampes,Sont entres dans la salle des noces. Les cinq autres, imprévoyantes, qui n'avaient pas assez d'huile, arrivent alors que la porte est fermée. Elles restent dans les ténèbres extérieures pour l'éternité, n'ayant pas assez pratiqué les vertus chrétiennes et les sacrements. La lampe que tient l'une des jeunes filles est presque éteinte par manque d'huile et éclaire à peine la nuit, par contraste avec la chaude lumière de la salle du nabquet qui filtre par la petite lucarne.

     

    «Nescio vos » « Je ne vous connais pas » leur dit le maître de maison – un jeune homme – par le guichet ouvert. « Qui ognoat ignorabitur » « Celui qui ignore sera ignoré », précise la banderole dans le ciel. La leçon ici – nous sommes dans une bibliothèque – est que le savoir théologique et la sagesse sont acquis certes par l'étude, mais d'abord par la piété et la fidélité aux sacrements. L'huile des lampes représente la pratique régulière de la confession et de la communion, qui permet d'éclairer le chemin de nos vies, au lieu d'être plongés dans les ténèbres du péché qui conduit au malheur.

     

    Deslégories se succèdent sur la voûte de la salle de théologie, tirées du livre des Proverbes et du livre de la Sagesse. Loin d'être démoralisantes, elles sont une invitaion à la conversion puisque la biblioyhèque est fréquentée par des gens – étudiants et moines – appelés à se convertir et à progresser. « Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l'heure » (Mt 25, 13)

     

    Les auteurs du Moyen Âge expliquent que les vierges sages sont au nombre de cinq parce qu'elles symbolisent les cinq formes de la contemplation intérieure, en quelque sorte les cinq sens de l'âme. Elles sont l'image parfaite de l'âme retournée vers Dieu. L'huile qui brûle est la vertu suprême, la charité. Quand aux vierges folles, elles représentent les cinq formes de la concupiscence charnelle, de la satisfaction gloutonne et désordonnée des cinq sens.

     

    L'époux, dans ces noces, est le Christ. La longue attente dans la nuit est celle des générations qui ont attendu la venue du Messie. Leur endormissement symbolise toutes ces générations endormies dans la mort depuis des millénaires. La clameur nocturne est la tompette des anges annonçant le Jugement dernier. Leur réveil est la résurrection des morts. La parabole des vierges folles et sages est souvent associée à l'iconographie du Jugement dernier dans la sculpture gothique au XIIIe siècle. Les unes à droites, les autres à gauche du Christ, à Notre-Dame de Paris, aux cathédrales d'Amiens, de Bourges, Reins, Sens, Auxerre, Laon.

     

    On les voit aussi en peintures murales des églises orthodoxes, entre autres dans les églises en bois du Maramures, au nord de la Roumanie.
    Marie-Gabrielle Leblanc

     

     


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