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    littérature

    Détail du plafond du théâtre à l’italienne de Douai, statue représentant :

    Marceline Desbordes-Valmore.

    (Image Wikipédia)

     

    LA PAUVRE MARCELINE…

    De Marceline Desbordes-Valmore, la plupart des gens ne connaissent qu’un ou deux poèmes perdus dans les anthologies :

    « J’ai voulu ce matin te rapporter des roses…

    Ou :

    Vous aviez mon cœur,

    Moi j’avais le vôtre,

    Un cœur pour un cœur,

    Bonheur pour bonheur.

     

    Sa légende non plus n’est pas bien fameuse. Elle a eu tant de malheurs, elle a versé tant de larmes en alexandrins que quelque chose d’un peu ridicule s’attache à son ombre. On dit « la pauvre Marceline ». Cet adjectif de « pauvre » que la postérité accole quelquefois à un nom est difficile à porter.

    Avant de sourire de quelqu’un, il faut chercher qui l’a aimé. Marceline, sous ce rapport, a été comblée. Victor Hugo, dans ses lettres, lui envoyait son plus « tendre respect ». Baudelaire dit qu’elle est « une adorable femme » et parle des « trouées profondes dans le cœur » que fait sa poésie. David d’Angers sculpte son médaillon. Lamartine lui adresse des stances où il la compare à une barque. Mêmes effusions après sa mort : Sainte Beuve lui consacre un lundi larmoyant ; Raspail déclare à Hyppolyte Valmore : « vous êtes le fils d’un ange ». Verlaine, Francis Jammes, Aragon lui font des déclarations d’amour en vers.

    Si Marceline suscite de génération en génération, et chez de grands poètes, des sentiments si chaleureux, c’est qu’elle est autre chose qu’une pleurnicharde. Grâce à M. Bertrand, professeur à l’université de Grenoble, nous possédons enfin ses poésies complètes et nous voyons sa séduction.

    C’est la grande séduction romantique. Marceline est un cygne. Un de ces cygnes de 1830 qui ont l’air d’expirer à chaque instant, qui sont faibles, écorchés, vulnérables, mais qui ont une santé de fer, grâce à laquelle ils travaillent énormément et laissent une œuvre abondante. Pour moi, j’avoue mon faible pour cette poésie qui s’épanche comme une rivière, qui se nourrit de rhétorique et de développements, mais qui souvent s’épanouit de façon ravissante.

    Certes, Marceline vient derrière les quatre grands : Lamartine, Hugo, Musset, Vigny, mais tout de suite après eux. Elle est de leur famille, de leur lignage. Son cœur est tout béant et le lait de la tendresse humaine en coule à flots. Il n’y a aucune pause chez elle, ce qui est méritoire de la part d’une personne malmenée par la vie. Jamais elle ne porte ses chagrins comme un drapeau. Au contraire, ses vers ont quelque chose de discret, de fort pudique, de courageux, qui force la tendresse du lecteur.

    Et pourtant quelle existence affreuse que la sienne, non seulement jalonnée de tragédie, mais encore empoisonnée par une foule de blessures quotidiennes ! Quand elle est adolescente, son père est ruiné par la Révolution. Elle devient actrice. Elle est fille-mère. Elle se marie. Quatre de ses enfants meurent. Pendant soixante-treize ans, elle ne connaîtra que la mouise, la mistoufle, les pigeonniers miteux au cinquième étage, les fins de mois angoissantes. Lui arrive-t-il de s’apitoyer sur elle-même, c’est presque toujours de façon allégorique :

    « Oh ! que la neige est froide à l’âme d’une fleur… »

    Qu’apporte Marcelin Desbordes-Valmore au lecteur d’aujourd’hui ? Tout ce qui manque à notre siècle et qui est si essentiel à la santé spirituelle : la bonté, la charité, la pauvreté, la souffrance, et cette musique du cœur que les gens sans cœur ne parviennent jamais à imiter.

    Jean DUTOUR

    Extrait de : Contre les dégoûts de la vie

     

    Je vous offre son histoire sensible, sa vie déchiquetée, et ses rêves mis en poèmes…

    Liviaaugustae


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    Billet

    Sous-bois : Puy de Dôme.

     (Image Wikipédia)

     

     

    DE TOUTES LES OPERATIONS…

     

    De toutes les opérations économiques, la plus difficile en France est le reboisement, car ce n’est point avec un œil de poète que le français moyen regarde les arbres, mais avec un œil d’ébéniste.

    Qu’ils soient sur pied, il en ignore le nom et les essences, mais sa science s’éveille quand ils sont transformés en fauteuils.

    Le chêne pour lui, c’est un buffet avec douze chaises payables à crédit ; le hêtre habite la cuisine, et l’orme luit dans le boudoir surbaissé des femmes élégantes qui s’ennuient.

    L’appel désolé de Ronsard n’a jamais arrêté le bras d’aucun bûcheron quand l’arbre abattu peut, libéré de son feuillage, entrer dans la vie des salons et de l’esprit sous la forme d’une console ou d’un guéridon. Bonheur-du-jour nés de l’infortune des forêts, c’est vous  qui plaisez, et non la branche que le vent émeut et dans les veines de laquelle le passage de la sève est harmonieux comme un chant. Arbres, on ne vous veut point droits et libres, mais diminués à notre mesure, asservis à notre pauvre usage, humilié par nos secrets. Quelles lettres d’amour compensent jamais, pour le secrétaire, les aériennes confidences des oiseaux qui bâtissent leurs nids  au printemps ?

    Minérale, brillante, logique, la littérature elle-même tient Rousseau pour fou, qui pleurait sur les pervenches et reliait la nature à ses sensuelles obsessions. Alors que la littérature anglaise essentiellement végétale, exhalant l’odeur des bourgeons, de l’herbe qui pousse, et gorgée d’une eau contenue par des racines vives, lance Ariel et Puck comme des oiseaux, nous refermons nos fenêtres pour que le bruit de l’air dans les ramures ne couvre pas le bruit de nos conversations.

    A Chaucer, à Spencer, Shakespeare, nous opposons les prairies en haute laine d’Honoré d’Urfé et ses bocages tissés à Beauvais. Les arbres de Florian n’existent que pour protéger contre l’orage le chapeau  de roses des bergères, ou pour que les bergers y viennent, dans une ombre propice à leur teint, mourir modérément d’amour.

    La nature pour nous est toujours un souci. Il faut qu’elle meuble ou qu’elle se justifie, quelle réponde à Vigny ou s’occupe d’Olympio. A défaut d’une dryade, chaque arbre nous doit un lit de milieu.

    Il n’est de forêt sacrée que celle dont le peuple des dimanches peut mutiler les écorces pour proclamer que Fernande appartient définitivement à Totor. Nous n’avons que faire d’Arden et de Brocéliande. Le bois de Boulogne nous suffit.

    Germaine BEAUMONT

    Extrait de : Si je devais…

     

     

    Heureusement, aujourd’hui, nous nous occupons, « peut-être un tard », des arbres, nous les protégeons, nous les aimons, les admirons, et Totor, n’a plus le doit de faire des graffitis sur nos arbres, et tant pis pour Fernande !

    Car nous avons tellement sucé la sève de tout l’Univers, celle des animaux à quatre pattes, les gros et les petits, celle des insectes, ceux qui volent et ceux qui rampent, que nous voilà obligés de protéger, de chouchouter, tous ce que nous avons petit à petit, pour notre confort et nos aises, détruit en partie.

    Mais ce qui est inquiétant, c’est qu’aujourd’hui on s’en prend aux animaux à deux pattes. Allons-nous, parce que c’est  la mode, les rayer eux-aussi de la planète ?

    La guerre sévit sur tout les continents, des fous déclarent qu’ils ont le droit, de tuer, au nom d’un dieu vengeur !

    Des hommes veulent épouser des hommes ? Des femmes veulent épouser des femmes ? Quid de l’espèce ?

    Liviaaugustae


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    Billet

    Jeunes femmes en jardin de Marquayrol

    Tableau  d’Henri Martin

     

    Faites-vous de jolies robes.

    La nature mis aux doigts de la femme un art charmant qu’elle sait d’instinct et qui est son art à elle, comme la soie est à la chenille, ou la dentelle à l’agile et fine araignée…

    Elle est poète, l’artiste de sa grâce et de sa candeur ; elle est la fileuse du mystère dont s’habille son goût de plaire. Tout le talent quelle met à ressembler à l’homme dans les autres arts ne vaudra jamais l’esprit et la trouvaille d’un rien d’étoffe qu’elle chiffonne.

    Je voudrais que cet art-là fût honoré, et de même que l’évocation devrait consister à penser avec son esprit, à sentir avec son cœur, à exprimer la petite chose personnelle, le moi intime latent, qu’au contraire on refoule, ou nivelle en vue de ressembler toujours aux autres, je voudrais que la jeune femme fut de bonne heure l’artiste de cet art de la toilette, sa propre habilleuse… et plus tard, l’habilleuse de ses enfants.

    LEMONNIER

     

    Il est vrai que ce doit être merveilleux, de se faire soit même ses toilettes, avec : « un rien d’étoffe qu’on chiffonne » !

    Malheureusement, toutes les femmes ne peuvent « chiffonner » comme elles l’aimeraient. Je dessinais, autrefois, (un peu styliste) des modèles de robes et les faisais fabriquer par une couturière qui savait elle « chiffonner » !

    Les travaux d’aiguilles ne m’ont jamais intéressée, je préférais dessiner, et peindre aussi, ou rimer selon les heures et mes envies. Je n’aime toujours pas les travaux d’aiguilles, mais j’aime aller choisir chez un « faiseur », une toilette que d’autres ont « chiffonnés ».

    Car, las, les couturières ont disparues, et je ne joue plus à la styliste !

    Liviaugustae 


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    Billet

    Les racines de notre langue, se meurent…

     

    A TRADUIRE DU CHARABIA…

     

    Voici un petit jeu d’été (ou de printemps) : traduire le texte suivant en français traditionnel. Ce n’est tout à fait aussi difficile qu’une version latine, mais presque. Je ne songe pas à rivaliser avec les « dictées-cultes » de M. Pivot, et je ne suis point en mesure d’offrir des « dicos d’or » (ou de toc) aux meilleurs traducteurs. Mon ambition n’est rien d’autre que d’apporter un peu de divertissement à des lecteurs qui n’ont pas complètement désarmés devant les barbares.

     

    -Jérémie, vous avez un peu perdu la pêche, m’a dit hier le boss. Vous êtes moins performant. Prenez donc huit jours pour décompresser.

    Disons que depuis quelques mois, je suis anormalement stressé ? Je m’investis trop dans mon job. Ma relation avec Samantha s’en ressent. Samantha Pousselard est ma compagne. Nous habitons un loft dans un ancien squat en cours de réhabilitation, ce qui provoque des nuisances au niveau bruit. Dès le matin, c’est le hit-parade des décibels.

    Bénéficiant d’un créneau dans mon planing surbouqué, je sautai sur cette opportunité pour proposer à ma compagne d’aller nous ressourcer dans un espace vert, loin de la pollution urbaine.

    -Absolument, tout à fait, dit-elle. Quelque part, nous avons vocation à ça.

    En plus de ses T-shirts, de ses baskests et de ses jeans, elle amena avec elle un best-of de short-stories car elle désirait ardemment revisiter Maupassant.

    Nous nous impliquâmes dans notre voyage. Ce fut une relecture de la Bretagne. En roulant, Sam chantait du blues, moi du rap. Le pied, quoi ! A dix-neuf heures trente du soir, nous stoppâmes devant une structure qui faisait partie de la chaîne Merdotel. L’hôtesse, après nous avoir souhaité «Welcome à Margar’Inn » nous mena à la chambre six vingt-trois.

    -Une chambre où vous serez relaxe niveau sommeil, nous dit-elle. Bonne fin de journée, messieurs-dames.

    Il y avait un fast-food dans l’établissement. Après y avoir englouti des hamburgers, des hot-dogs, des milk-shakes et nous être déssoiffés au coke, nous jugeâmes qu’il était temps de positiver côté sexe.

    Le lendemain matin, whaou ! En ouvrant les rideaux, nous découvrîmes une prairie, ou, pour mieux dire une sorte de green où des fleurs plurielles déclinaient toute la gamme de leurs couleurs variées. Un vrai happening !

    Ma compagne s’écria : « c’est génial ! » Je répliquai : « qu’est-ce qu’on dit à son petit concubin chéri ?

    -Tu sais quoi, ronronna-t-elle, je serai si heureuse d’effectuer le parcours initiatique de la mère célibataire ! Cynthia, Vanessa, Sabrina, Jennifer et Ophélie, toutes potesses ont super-bien perçu leur maternité. Je flippe à mort, c’est galère pour moi. La balle est dans ton camp.

    Je lui fermai la bouche d’un french kiss.  Au-dessu de nous la couche d’ozone était normale. Voilà un temps fort dans mon vécu.

    Jean DUTOUR

    Extrait de : A la Recherche du Français Perdu

     

    Je pense que comme moi, habitués à ce charabia à la télé, et dans les « médias écrits », vous avez pu déchiffrer ce petit consommé de mots on ne peut plus « inn » !

    Et cette belle langue qui est la notre perd son latin et son grec, pour passer à l’anglais, mais pas seulement ! C’est un peu inquiétant, quand un grand écrivain français, concentre tout ce pataquès, en quelques lignes, et nous démontre la démolition « programmée » du français…

    Liviaaugustae


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    Billet

    Gardons la lumière allumée…

     

    LE BON USAGE.

     

    Vers 1855, Napoléon III créa une commission chargée de publier la correspondance complète de Napoléon 1er.  La première séance se passa à discuter si l’on inclurait dans le recueil les lettres à Joséphine. Mérimée qui était membre de la commission dit à l’Empereur qui la présidait : « Sire, si nous mettons ces lettres dans notre édition, le public apprendra que votre oncle déposait des baisers sur des mots qui ne sont pas dans le dictionnaire. »

    Tous les lexicographes devraient avoir cette anecdote présente à l’esprit. Il y a en effet des mots qui, comme dit Littré, « appartiennent au plus bas langage » et qu’il est inutile d’enseigner aux enfants. Ceux-ci les apprennent bien assez tôt tout seuls dans la cour de récréations des écoles. De même je ne vois pas la nécessité de recueillir les diverses scories du langage que chaque époque charrie avec elle. Certains vocables inédits sont à la mode six mois ou un an, après quoi tout le monde les oublie.

    Enfin il me semble qu’il faudrait montrer la plus grande circonspection avec les mots étrangers. Le fait de figurer au dictionnaire leur confère une importance sociale, voire politique, qu’ils n’ont pas. La mission du lexicographe n’est pas de donner des instantanés successifs à la langue comme si elle était un kaléidoscope dont les combinaisons changeraient constamment, mais d’offrir aux hommes l’inventaire traditionnel de la vie. Les dictionnaires doivent se modifier lentement, évoluer avec précaution comme tout organisme vivant, et non rechercher à tout prix l’actualité qui est par essence éphémère. Bref, ils doivent enseigner à bien parler et non à mal parler.

    Chaque année, quand arrive le « Nouveau Petit Larousse », les gazettes s’amusent à en recenser les « entrées ». Cette année-ci, à ce qu’il paraît nous pouvons y voir « zapper », « biper », « zoomer », « ecstasy », « hard », « hooliganisme », « soft », « resto » pour restaurant, « quadra » pour quadragénaire, etc.  A mon avis, ces mots dévoilent l’humilité des rédacteurs, qui bornent leur rôle à être des sortes de journalistes du langage, mettant leur point d’honneur à attraper les nuances les plus fugaces du bavardage contemporain.

    Je suis un lexicographe moi-même, étant appelé à participer tous les jeudis au dictionnaire de l’Académie française, dont la principale préoccupation est de codifier « le bon usage ». On peut définir par bon usage ce qui n’est pas contraire au génie de la langue, ce qui n’en fait pas grincer les ressorts, c’est-à-dire ce qui vient du peuple : non pas ce qui vient de la publicité, de la télévision ou du jargon prétendu scientifique des pédanteries universitaires.

    Pour donner à un mot l’accès au dictionnaire, il faudrait attendre vingt ou trente ans après son apparition. S’il a tenu le coup, c’est qu’il était nécessaire.

    Jean DUTOUR

    Extrait de : Le siècle des lumières éteintes. (10 septembre 1994)

     

    Que dirait ce même Jean Dutour, aujourd’hui, s’il était encore de ce monde ?

    Quand le ministre de l’éducation nationale (lui-même professeur), fiche en l’air ; des pans entiers de l’histoire de France, des morceaux de l’hexagone, des langues (dites mortes) qui sont pourtant les racines du français, et chose encore plus extravagante « fait raconter aux petits enfants, de la « petite école », (la maternelle devrait être expurgée bientôt du vocabulaire),  qu’ils ne sont pas vraiment des garçons et des filles, mais des « êtres » tout simplement.

    La théorie du « gender » apprise dès le plus jeune âge ! Il y aura de quoi décérébrer plus d’un !

    Que réservera l’avenir à ces enfants, si à la maison, on ne leur remet pas les points sur les i ! On va en faire une génération de détraqués, et d’idiots !

    Liviaaugustae


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