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    Illustration d'André Hellé

     



     

    La colombe et la fourmi

     

    Le long d'un clair ruisseau buvait une Colombe,
    Quand sur l'eau se penchant une Fourmi y tombe.
    Et dans cet océan l'on eût vu la Fourmi
    S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive.
    La Colombe aussitôt usa de charité :
    Un brin d'herbe dans l'eau par elle étant jeté,
    Ce fut un promontoire où la Fourmi arrive.
    Elle se sauve ; et là-dessus
    Passe un certain Croquant qui marchait les pieds nus.
    Ce Croquant, par hasard, avait une arbalète.
    Dès qu'il voit l'Oiseau de Vénus
    Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête.
    Tandis qu'à le tuer mon Villageois s'apprête,
    La Fourmi le pique au talon.
    Le Vilain retourne la tête :
    La Colombe l'entend, part, et tire de long.
    Le soupé du Croquant avec elle s'envole :
    Point de Pigeon pour une obole.

     

    Jean de La Fontaine

     


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    Sous un ciel mi-figue, mi-raisin, nous avons fait une balade sur la Côte Sauvage au Croisic, la mer était grise et bouillonnait en grosses vagues qui se tordaient, roulaient et venaient se briser avec un grand bruit sur les rochers en bas de la falaise, on aurait pu croire qu'elle voulait y grimper.

     

    Heureusement avec prévoyance, nous avions pris des manteaux chauds à capuches car il y avait encore beaucoup de vent, mais cet air iodé à souhait, nous a requinqués et ouvert l'appétit... nous avons été au chaud à la crêperie pour assouvir notre faim...

     

    Livia

     

     

     

    Le souffle de la mer sur la Côte Sauvage au Croisic...

     

    (Photo de ma belle fille)

     

     

     

    La mer

     

     

     

    La mer pousse une vaste plainte,
    Se tord et se roule avec bruit,
    Ainsi qu'une géante enceinte
    Qui des grandes douleurs atteinte,
    Ne pourrait pas donner son fruit ;

    Et sa pleine rondeur se lève
    Et s'abaisse avec désespoir.
    Mais elle a des heures de trêve :
    Alors sous l'azur elle rêve,
    Calme et lisse comme un miroir.

    Ses pieds caressent les empires,
    Ses mains soutiennent les vaisseaux,
    Elle rit aux moindres zéphires,* 
    Et les cordages sont des lyres,
    Et les hunes sont des berceaux.

    Elle dit au marin : « Pardonne
    Si mon tourment te fait mourir ;
    Hélas ! Je sens que je suis bonne,
    Mais je souffre et ne vois personne
    D'assez fort pour me secourir ! »

    Puis elle s'enfle encor, se creuse
    Et gémit dans sa profondeur ;
    Telle, en sa force douloureuse,
    Une grande âme malheureuse
    Qu'isole sa propre grandeur !

     

    Sully Prudhomme

     



     

    *Zéphyr ou Zéphire ? :

     

    L'Académie distingue zéphire et zéphyr, disant que zéphire est le vent d'occident, et zéphyr tout vent doux et agréable. Cette distinction est illusoire ; les auteurs confondent perpétuellement zéphire et zéphyr, et il ne faut y voir qu'une variété d'orthographe.

     



     

     

     

     


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    Il neige sur la mer...

     

    (image pixabay)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Il neige sur la mer

     

    Il neige sur la mer,
    Il neige des étoiles.
    Il neige autour des voiles
    Et sur le quai désert.

     



     

    Il neige depuis l’aube
    Sur le sable doré.
    Il neige sur la robe
    Des dunes étonnées.

     



     

    Il neige, et l’univers
    Semble coupé en deux
    Tout juste en son milieu.
    D’un côté, c’est la mer

     



     

    À la fois bleue et verte
    Et de l’autre, la terre.
    La terre large offerte
    Aux bras blancs de l’hiver.

     



     

    Il neige sur la mer
    Qui s’en moque, éperdue.
    Elle rit, toute nue,
    Le long du quai désert.

     



     

    Et l’on dirait vraiment
    Que ses vagues endorment
    La terre étendue, morne,
    Dans son grand berceau blanc.

     

    Maurice Carême

     


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    La jacinthe...

     

    (image pixabay)

     

     

     

    La jacinthe

     


    Dans un antique vase en Grèce découvert,

     


    D'une tombe exhumé, fait d'une argile pure

     


    Et dont le col est svelte, exquise la courbure,

     


    Trempe cette jacinthe, emblème aux yeux offert.

     

     

     

     

     



    Un essor y tressaille, et le bulbe entr'ouvert

     


    Déchire le satin de sa fine pelure ;

     


    La racine s'épand comme une chevelure,

     


    Et la sève a déjà doré le bourgeon vert.

     

     

     

     

     



    L'eau du ciel et la grave élégance du vase

     


    L'assistent pour éclore et dresser son extase,

     


    Elle leur doit sa fleur et son haut piédestal.

     

     

     

     

     



    Du poète inspiré la fortune est la même :

     


    Un deuil sublime, né hors du limon natal,

     


    L'exalte, et dans les pleurs germe et croît son poème

     

     

     

    Sully Prudhomme

     

     

     

    C'est le temps des jacinthes...

     

    Ma jacinthe d'un bleu profond, n'est pas dans un vase de Grèce mais elle est toute fleurie et embaume mon séjour.

     

    Livia

     


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    La carignié  brûle dans l'âtre...

     

    (image pixabay)

     



     

    La Noël

     

    L'hiver resserre autour du foyer la famille.
    Voici Noël. Voici la bûche qui pétille ;
    Le « carignié », vieux tronc énorme d'olivier
    Conservé pour ce jour, flambe au fond du foyer.
    Ce soir, le « gros souper » sera bon, quoique maigre.
    On ne servira pas l'anchois rouge au vinaigre,
    Non, mais on mangera ce soir avec gaîté
    La morue au vin cuit et le nougat lacté,
    Oranges, raisins secs, marrons et figues sèches.
    Dans un coin les enfants se construisent des crèches,
    Théâtres où l'on met des pierres pour décor
    Et de la mousse prise aux vieux murs, puis encore
    Des arbres faits d'un brin de sauge, et sur ces cimes,
    Le long des fins sentiers côtoyant ces abîmes,
    Des pâtres et des rois se hâtent vers le lieu
    Où vagit, entre l'âne et le bœuf, l'enfant-Dieu.
    Lorsque naquit en lui la Parole nouvelle,
    Le blé vert égayait la terre maternelle.
    Or, dès la Sainte-Barbe, on fait (semé dans l'eau)
    Lever pour la Noël un peu de blé nouveau :
    Sur des plats blancs on voit, humble, verdir cette herbe,
    Gage mystérieux de la future gerbe,
    Qui dit : « Aimez. Croyez. Noël ! Voici Noël !
    « Je suis le pain de vie et l'espoir éternel. »

     



     

    Si l'on vit loin les uns des autres dans l'année,
    Chacun du champ lointain, de la ville éloignée
    Arrive, à la Noël, pour revoir les parents,
    Les anciens, les petits qu'on retrouve plus grands ;
    Pour boire le muscat dont l'odeur donne envie ;
    Pour causer tous ensemble et se conter sa vie,
    Pour montrer qu'on n'est pas des ingrats oublieux
    Capables de laisser tout seuls mourir les vieux.

     



     

    « A table ! » - L'on accourt. La sauce aux câpres fume ;
    Le nougat luit ;… mais c'est une vieille coutume
    Qu'avant de s'attabler on bénisse le feu.

     



     

    La flamme rose et blanche avec un reflet bleu
    Sort de la bûche où dort le soleil de Provence,
    Et le plus vieux, avec le plus petit, s'avance :

     



     

    Le vieillard penche un verre, et le vin cuit arrose
    La longue flamme bleue au reflet blanc et rose ;
    Le carignié mouillé crépite, et tout joyeux,
    Constellant l'âtre noir, fait clignoter les yeux.
    On s'attable. La flamme étincelante envoie
    Aux cristaux, aux regards, ses éclairs et sa joie ;
    Le vieux tronc d'olivier qui gela l'autre hiver
    Se consume, rêvant au temps qu'il était vert,
    Aux baisers du soleil et même à ceux du givre ;
    Tel, mourant dans la flamme, il se prend à revivre,
    Et l'usage prescrit qu'on veille à son foyer,
    Pour que, sans s'être éteint, il meure tout entier.

     

    Jean Aicard

     


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